Le mercredi 19 avril : audition de M. Bernard Doroszczuk, président, M. Olivier Gupta, directeur général, et M. Philippe Chaumet-Riffaud, commissaire de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et M. Jean-Christophe Niel, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) en commission du développement durable.
Lors de l’audition j’ai pu interroger sur :
– Les capacités d’assurer le suivi et le contrôle des inspecteurs de l’ASN en période de confinement
– Les conditions de travail des salariés d’EDF mais aussi des sous-traitants qui assurent 80% des travaux de maintenance et du respect des droits du travail en situation d’effectif réduit
– L’impact sur la fermeture du deuxième réacteur de Fessenheim prévue pour le 30 juin 2020
Sur ce dernier point, l’ASN a confirmé que l’arrêt du deuxième réacteur est maintenue, d’autant que les travaux de mise aux normes des réacteurs de la même catégorie réalisés sur l’ensemble du parc nucléaire Français, n’ont pas été faits à la Centrale de Fessenheim.
Les conséquences de l’épidémie de Covid 19 sur les activités nucléaires
Certaines installations nucléaires, sans nécessité de continuité du service public, exploitées notamment par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Orano ou l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs ont été mises à l’arrêt et sont maintenues en état sûr. La plupart des chantiers, notamment de démantèlement des substances radioactives, ont été suspendus. Orano a maintenu des activités nécessaires au fonctionnement des centres de production d’électricité nucléaires d’EDF en matière d’évacuation des combustibles usés, de retraitement, et d’approvisionnement des usines de production du combustible neuf.
S’agissant des centrales nucléaires, EDF privilégie l’exploitation indispensable à la fourniture d’électricité. La crise sanitaire conduit, en raison règles du confinement ou des difficultés d’approvisionnement, à décaler un certain nombre de travaux de maintenance ou de chargement de combustible qui devaient avoir lieu d’ici l’hiver prochain sur divers moyens de production.
Le maintien du travail d’instruction de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en lien avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)
Le travail d’instruction de l’ASN des exploitants nucléaires se poursuit normalement, en lien avec l’IRSN, à l’exception de certaines études spécifiques, par exemple celles nécessitant des moyens de calcul dédiés qui ne sont pas accessibles à distance. L’ASN adapte son dispositif de contrôle de terrain en prenant en compte trois principes :
- Suppression des contacts physiques directs non indispensables, afin de limiter la propagation du virus. Les inspections avec déplacement sur site sont suspendues, sauf nécessité (par exemple, en cas d’événement significatif pour lequel le recueil des premiers éléments nécessiterait une inspection sur site). Les inspecteurs du travail de l’ASN ne se déplacent physiquement sur les sites EDF que pour des motifs d’urgence et de gravité, nécessitant leur présence sur site. Des échanges réguliers ont lieu, par audioconférence, entre les exploitants et l’ASN, à la fois au niveau national et au niveau local, pour partager l’évolution de la situation et ses conséquences.
- Priorité donnée au contrôle des installations en fonctionnement. Pour les installations qui continuent à fonctionner, et en particulier pour les réacteurs EDF et les installations d’Orano, les inspections avec déplacement sur site sont remplacées par des contrôles à distance, portant notamment sur l’examen de documents liés à l’exploitation courante (relevés d’essais périodiques, documents de conduite, etc.) accompagnés d’audioconférences avec l’exploitant. Ce type decontrôle à distance pourrait être poursuivi, en étant adapté, y compris dans le cas où les effectifs présents sur site seraient fortement réduits du fait de la mise en œuvre des mesures du plan de continuité d’activité.
- Maintien d’activités de contrôle. Pour les installations à l’arrêt, l’ASN échange avec les exploitants concernés sur les modalités pratiques de maintenance et de mise en sécurité des installations ainsi que sur les conditions de leur futur redémarrage. Ces échanges portent notamment sur les adaptations envisageables en matière de périodicité des contrôles et essais.En outre, l’inspection du travail de l’ASN, compétente pour le contrôle dans les centres de production d’électricité, s’est organisée pour pouvoir assurer son rôle de surveillance des conditions de travail des salariés aussi bien pour ceux d’EDF que pour ceux des entreprises prestataires intervenant sur sites.Points de vigilance
- Si l’on estime que 80 % des activités de maintenance des centrales nucléaires sont effectuées par des sous-traitants, il serait, sans doute, opportun d’apprécier la proportionnalité des moyens de protection dont sont bénéficiaires les salariés dans les centrales nucléaires ;
- L’IRSN et l’ASN ayant mis en application des directives de confinement de leurs personnels, aux inspections sur site se substituent, désormais, des documents écrits transmis par les exploitants, à travers lesquels l’évaluation est, par essence, limitée.
Pistes de réflexion
Analogie entre la crise sanitaire et le risque nucléaire (approfondissement stratégique de notre « culture du risque », prise en compte des « signaux faibles », renforcement des systèmes d’alerte réciproque à l’échelle international).
L’hypothèse d’un incident nucléaire en contexte de crise épidémiologique (où la fermeture des gymnases restreindrait, le cas échéant, considérablement les marges de manœuvre des pouvoirs publics).
La décarbonation de l’économie conduisant à une hausse marquée de la part de l’électricité dans la consommation d’énergie, il faut s’assurer que les systèmes de production électrique offrent les garanties nécessaires en période de crise.
Pour revoir l’audition en vidéo : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8986253_5ea92b4d9905f.commission-du-developpement-durable–audition-de-representants-du-secteur-de-la-surete-nucleaire-et-29-avril-2020