Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, une nouvelle approche de la relation entre l’État et les territoires
Parce que l’émancipation de tous est une volonté et une priorité, avec mes collègues Bruno Studer et Thierry Michels nous avons souhaité faire un point le 7 mai avec Madame Anoutchka CHABEAU Commissaire au Plan contre la Pauvreté dans le Grand-Est.
L’occasion d’évaluer la stratégie pauvreté et les 5 engagements autour desquels elle s’articule :
- L’égalité des chances dès les premiers pas pour rompre la reproduction de la pauvreté
- Garantir au quotidien les droits fondamentaux des enfants
- Un parcours de formation garanti pour tous les jeunes
- Vers des droits sociaux plus accessibles, plus équitables et plus incitatifs à l’activité
- Investir pour l’accompagnement de tous vers l’emploi.
En tant que parlementaires, nous serons particulièrement attentifs au déploiement des dispositifs disponibles dans le territoire du Bas-Rhin
La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté repose sur une nouvelle approche de la relation entre l’État et les territoires. Loin d’un énième plan décliné en mesures portées par une administration, il s’agit de porter avec les acteurs territoriaux des objectifs dont les modalités de mise en œuvre font l’objet d’une contractualisation, avec des moyens financiers et une évaluation de l’atteinte des résultats.
STRATÉGIE NATIONALE DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ
Assurer l’égalité des chances dès les premiers pas
La France est marquée par un fort déterminisme de la pauvreté : il faudrait en France 6 générations, soit 180 ans, pour qu’un descendant de famille très modeste (les 10% les plus pauvres ) atteigne le revenu moyen de la population selon l’OCDE. Mettre en place des mesures en faveur de l’égalité des chances dès les premiers pas, conforter les droits fondamentaux des enfants, tel est le premier objectif de la Stratégie pauvreté pour rompre la reproduction de la pauvreté.
Accompagner vers l’emploi et l’autonomie
Notre système de solidarité est marqué par la faiblesse du retour à l’emploi. Les politiques d’accompagnement ont en effet été délaissées au fil des années, alors que les dépenses d’allocations ont progressé de 80 % depuis 2008. Cette faiblesse des politiques d’accompagnement conduit à un enfermement durable dans l’inactivité : près de la moitié des allocataires du RSA le sont depuis au moins 4 ans.
Pour favoriser retour à l’activité , le gouvernement met en place des mesures d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, avec notamment la création d’un service public de l’insertion pour donner à chacun une perspective d’emploi et permettre de sortir durablement de la pauvreté.
Renforcer l’accès aux droits
Notre modèle social est marqué par une forte complexité qui se traduit notamment par un fort taux de non-recours. Réviser le système de délivrance des prestations sociales est un enjeu majeur de la stratégie de lutte contre la pauvreté pour garantir à chacun la perception de son juste droit.
Pour lutter contre le non recours et faciliter l’accès aux droits, le gouvernement met notamment en place un accompagnement des bénéficiaires du RSA et lance une refonte des minima sociaux avec la création du Revenu universel d’activité.
Améliorer l’accès aux soins par le 100% santé et la CMU-C
Le Président de la République avait pris l’engagement de mieux garantir le droit à la santé et simplifier l’accès aux droits, pour accompagner toutes les formes de vulnérabilité. Avec l’automatisation du renouvellement de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) pour les allocataires du Revenu de solidarité active (RSA), les bénéficiaires des minimas sociaux obtiennent une meilleure garantie du droit à la santé.
Garantir un parcours de formation pour tous les jeunes
Investir dans les compétences via l’obligation de formation jusqu’à 18 ans
Pour faire face au nombre important de jeunes sortant du système scolaire sans qualification et de jeunes mineurs qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en études, l’Etat met en place en 2019 une réforme majeure rendant obligatoire la formation jusqu’à 18 ans. L’objectif est de permettre à chacun d’acquérir un socle de compétences suffisant pour s’insérer plus facilement dans le marché du travail et éviter de tomber dans la pauvreté.
Il s’agit d’une réforme majeure car désormais, ce n’est plus seulement l’instruction qui est obligatoire à partir de 3 ans, mais aussi la formation, jusqu’à 18 ans, en prolongeant l’instruction obligatoire jusqu’à 16 ans.
Concrètement, entre 16 et 18 ans, tout jeune devra se trouver :
- soit dans un parcours scolaire ou en apprentissage ; le parcours scolaire pourra se faire dans tout établissement du second degré, y compris les établissements privés sous contrat et ceux de l’enseignement agricole, et de l’enseignement supérieur ;
- soit en emploi, en service civique, en parcours d’accompagnement ou d’insertion sociale et professionnelle.
A partir de la rentrée 2020, aucun jeune ne pourra ainsi être laissé dans une situation où il ne serait ni en études, ni en emploi ni en formation.
L’obligation de formation est inscrite dans le projet de loi sur l’école de la confiance.
Pourquoi cette mesure ?
En France, près de 80 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans aucune qualification et notre pays compte 60 000 jeunes mineurs ni en emploi, ni en formation, ni en études. Ces jeunes mineurs se heurtent à de grandes difficultés pour s’insérer dans le marché du travail et sont les premières victimes de la pauvreté.
Avec l’obligation de formation, le gouvernement entend répondre aux besoins des personnes les plus fragiles en les accompagnant mieux et plus longuement, pour faciliter leur insertion et les faire sortir de la pauvreté.
Où en est-on ? Comment procède-t-on ?
Le texte de loi a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale en février puis au Sénat en mai et adopté en juin 2019.
La mesure est entrée en vigueur au 1er septembre 2020. L’instruction est en cours de finalisation. Une assistance à maîtrise d’ouvrage est proposée dans les régions où le besoin sera exprimé.
Ce sont les missions locales qui seront chargées d’assurer le respect de cette obligation de formation, en lien étroit avec les autres acteurs : établissements scolaires, centres d’informations et d’orientation, Pôle emploi, structures de raccrochage scolaire (micro-lycées), écoles de la 2e chance, etc.
Elles bénéficient d’un financement dédié à partir de 2020 pour assurer cette nouvelle fonction, estimé à 1 000 € par jeune soit environ 20 M€ par an.
Ces financements viennent compléter les efforts déjà mis en œuvre pour le respect de l’obligation de formation :
- En amont, pour identifier les jeunes les plus éloignés des institutions publiques, 100 M€ sont consacrés par le plan d’investissement dans les compétences (PIC) à des appels à projets visant à repérer, renouer le dialogue et (re)mobiliser les jeunes en risque d’exclusion pour les amener vers un parcours d’accompagnement et de formation. Par ailleurs, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoit des financements supplémentaires destinés aux points accueil écoute jeunes (4 M€) et à la prévention spécialisée.
- En aval, le gouvernement a investi pour renforcer les dispositifs de formation destinés notamment aux mineurs : près d’un million de formations destinées aux jeunes dans le cadre du PIC seront financées par l’Etat et les régions, prépa-apprentissage, allocation Parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (PACEA).
Prévenir les sorties sèches de l’Aide Sociale à l’Enfance
Pour en finir avec les sorties non préparées des jeunes de l’aide sociale à l’enfance à 18 ans, le gouvernement apporte un soutien aux conseils départementaux afin d’offrir à ces jeunes un accompagnement global vers l’autonomie : préservation d’un lien, logement, soins de santé, accès facilité aux droits, soutien à la construction d’un parcours professionnel et à la recherche de ressources financières.
De quoi s’agit-il ?
Parce qu’ils sont le plus souvent victimes d’une situation familiale délicate, les jeunes accueillis à l’aide sociale à l’enfance (ASE) font face, bien davantage que les autres, à des difficultés notables dans leur accès à l’autonomie. Ils restent en effet potentiellement confrontés à une rupture brutale de leur situation, lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans.
En présentant la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté le 13 septembre dernier, le Président de la République a fixé l’ambition pour ces jeunes de mettre fin aux sorties sans accompagnement de l’aide sociale à l’enfance.
Pourquoi cette mesure ?
70 % des jeunes de l’Aide Sociale à l’Enfance n’ont aucun diplôme, 15,8 % de ces jeunes ne sont plus scolarisés à 16 ans, une personne sans domicile fixe sur quatre de 18 à 25 ans vient de la protection de l’enfance…Les chiffres sont alarmants.
Le dispositif vise à réparer une injustice faite aujourd’hui a des milliers de jeunes qui atteignent l’âge de la majorité et se retrouvent sans accompagnement, du jour au lendemain.
Alors que les collectivités consacrent entre 100 et 200€ par jour pour protéger chaque jeune confié à l’aide sociale à l’enfance et ce jusqu’à l’atteinte de la majorité, les efforts pour sécuriser la transition vers l’âge adulte ne sont pas à la hauteur des enjeux. Collectivement, la situation constitue un véritable gâchis.
Où en est-on ? Comment procède-t-on ?
Dès 2019, l’Etat a apporté une aide au départements signataires des conventions de lutte contre la pauvreté et l’accès à l’emploi qui, à ce titre, se sont engagés à mettre un terme aux sorties sans solution de l’aide sociale à l’enfance.
Un document de référence a été élaboré au sein d’un groupe de travail composé de jeunes accueillis à l’aide sociale à l’enfance – dont la présidente, Fouzy Mathey, de représentants des départements et des institutions chargées d’accompagner ces jeunes.
Ce document précise les cinq engagements des départements signataires :
- La préservation du lien et d’un point de référence
Pour garantir la permanence du lien pour les jeunes, et ce même si certains peuvent faire le choix de s’éloigner de l’aide sociale à l’enfance à leur sortie, les départements s’engagent à permettre aux jeunes de désigner, s’ils le souhaitent, une personne ressource ou de s’appuyer sur un réseau de soutien après leurs 18 ans. - L’accès à un logement stable
L’accès au logement à l’atteinte de la majorité constitue une préoccupation essentielle pour les jeunes ayant été accueillis par l’aide sociale à l’enfance qui, trop souvent, ne bénéficient que peu de solidarités familiales. Les départements signataires s’engagent à aider les jeunes à accéder à un logement. - Un accès aux droits facilité et une situation financière stabilisée
Que ce soit à travers l’obtention d’une bourse d’études supérieures, d’un salaire d’apprenti ou d’un accompagnement garantie jeune, chaque jeune de l’aide sociale à l’enfance sera accompagné dans la recherche de ressources financières afin de stabiliser sa situation. Les départements signataires s’engagent à mobiliser toutes les solutions de droit commun existantes, non seulement pour permettre l’accès à des ressources mais également, pour les jeunes concernés, assurer un accompagnement avant leur majorité pour faciliter leur procédure d’obtention d’un titre de séjour. - La construction d’un parcours professionnel
La mobilité et le droit à l’essai se révèlent importants dans l’élaboration d’un projet professionnel : chaque jeune sortant de l’aide sociale à l’enfance bénéficiera d’un accompagnement adapté pour pouvoir prendre le temps de choisir son parcours en toute sérénité, essayer si besoin une orientation et changer de projet, mais aussi avoir la possibilité de revenir vers l’ASE, en cas de difficulté. - Un accès effectif à la santé adapté à chaque jeune
L’Etat et les départements s’engagent à garantir l’accès à la santé des jeunes, en leur permettant de bénéficier d’une couverture maladie complète et en assurant la continuité du parcours de soins après l’atteinte de la majorité.
Consultez le référentiel d’accompagnement pour les sorties de l’aide sociale à l’enfance
En complément de ce dispositif, une loi votée en 2019 prévoit la création d’un nouveau contrat d’accès à l’autonomie qui sera proposé aux jeunes en difficulté, entre 18 et 21 ans.
Sur la base de 92 départements, près de 20 000 jeunes de l’ASE sont devenus majeurs en 2019. Plus de 50 % de ces jeunes ont fait l’objet d’une prise en charge dans le cadre du référentiel de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.
De manière plus précise :
25% ont pu choisir une personne lien
35%ont bénéficié d’une solution de logement
23,5% ont eu accès à des ressources financières
31% étaient dans un parcours professionnel et/ou scolaire.
Constats d’urgence
La France compte 9 millions de personnes pauvres, dont près de 3 millions sont dans une situation de privation matérielle grave.
Parmi eux, les jeunes et les enfants sont particulièrement touchés, avec 3 millions d’enfants pauvres et le taux de pauvreté des jeunes a fortement augmenté ces dernières années.
Si notre système social parvient à contenir le développement de la pauvreté, il est insuffisant pour en prévenir les causes et permettre d’en sortir.
Ces constats font consensus. C’est pourquoi, au début de l’année 2018, d’importants débats et échanges ont donné lieu à des propositions à partir desquelles la stratégie pauvreté a été élaborée.
En 2020, la crise sanitaire a confirmé en grande partie le diagnostic sur lequel s’est fondée la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Les objectifs d’agir sur les inégalités dès le plus jeune âge, d’investir massivement dans l’accompagnement vers l’emploi, de faciliter l’accès aux droits et besoins fondamentaux (alimentation, logement, prestations sociales…) pour prévenir le basculement dans la pauvreté gardent, aujourd’hui plus que jamais, toute leur pertinence.
2020, les mesures nouvelles
La crise frappe en premier lieu les personnes les plus précaires : perte de revenus entraînant des difficultés à faire face aux dépenses du quotidien, moindre perspective de retrouver un emploi et une activité pour assumer ces dépenses de tous les jours…
Autant de difficultés du quotidien qui risquent d’entraîner ou de maintenir une partie de nos concitoyens dans la spirale de la précarité.
Le gouvernement a fourni un effort sans précédent pour maintenir l’activité économique et les emplois qui lui sont liés : plan de relance irriguant l’ensemble de l’économie, activité partielle et divers dispositifs d’aides financières (prêts garantis par l’État, fonds de solidarité…) permettant aux entreprises en difficulté d’éviter de réduire les effectifs, plan Jeunes.
Des mesures doivent être prises désormais afin de prévenir et lutter contre cette bascule dans la pauvreté et la grande pauvreté. C’est pourquoi le gouvernement déploie aujourd’hui un nouvel arsenal d’actions autour de trois grandes priorités :
Soutenir le pouvoir d’achat des personnes précaires et modestes et en leur apportant un accompagnement au quotidien.
Favoriser la sortie de la pauvreté en développant les solutions d’insertion et d’activité pour les personnes sans emploi.
Assurer des conditions de logement et d’hébergement adaptées et prévenir les impayés de loyers.
Au total, plus de 1,8 Md d’euros seront mobilisés pour financer les nouvelles mesures de lutte contre la pauvreté, qui viennent s’ajouter au budget de la stratégie pauvreté (plus de 8 Mds d’euros), aux mesures de lutte contre la pauvreté prises pendant la crise (plus de 1,5 Md d’euros) et aux mesures de lutte contre la pauvreté du plan de relance (plus de 6 Mds d’euros).