L’Accord National Interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise

 

Finalisé le 10 février 2023, l’accord national interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, composé de 36 articles, a été signé par les trois organisations patronales représentatives (MEDEF, CPME, U2P) et les principales organisations syndicales représentatives (CFDT, CFTC, FO et CFE-CGC), à l’exception de la CGT.

 

De quoi parle-t-on ?

Dans le document d’orientation envoyé aux partenaires sociaux en septembre 2022, le Ministre du Travail, Olivier Dussopt, les invitait à engager une négociation interprofessionnelle sur le partage de la valeur répondant à trois objectifs :

  • Généraliser le bénéfice de dispositifs de partage de la valeur pour les salariés, notamment dans les plus petites entreprises ;
  • Renforcer, simplifier et veiller à l’articulation des dispositifs : participation, prime de partage de la valeur (PPV) et épargne salariale ;
  • Orienter l’épargne salariale vers les grandes priorités d’intérêt commun : investissements responsables et solidaires, économie productive et transition écologique.

La finalisation de l’ANI s’inscrit dans la continuité des dispositions prises depuis plusieurs années pour inciter au partage de la valeur au sein de l’entreprise : développement de l’épargne salariale, création de la prime de partage de la valeur, encouragement de la participation et de l’intéressement, etc.

Les profits exceptionnels réalisés par certaines multinationales au sortir de la crise sanitaire ont également relancé le thème du partage des bénéfices entre actionnaires et salariés. A ce titre, des débats récurrents ont eu lieu au Parlement sur la taxation des « superprofits » ou « superdividendes ».

Une mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise a été créée en commission des finances. Les conclusions de son rapport devraient être présentées au début du mois d’avril.

 

Que dit cet accord ?

L’accord vise à développer les outils de partage de la valeur (intéressement, participation, PPV, épargne salariale) au sein de toutes les entreprises de plus de 11 salariés. 

A titre expérimental pour une durée de 5 ans, l’accord prévoit d’une part l’ouverture de négociations de branches afin de mettre en place un dispositif de participation facultatif pour les entreprises de moins de 50 salariés et d’autre part l’obligation pour les entreprises de 11 à 50 salariés de mettre en place au moins un dispositif légal de partage de la valeur dès lors qu’elles sont rentables trois années consécutives.

L’accord prévoit également une meilleure prise en compte des résultats exceptionnels avec l’obligation, dans les entreprises de plus de 50 salariés, de verser un supplément aux employés en cas de résultats réalisés en France et présentant un caractère exceptionnel tel que défini par l’employeur. En revanche, la notion de « dividende salarié » est jugée « inadaptée et source de confusions » par les signataires de l’accord qui « s’engagent donc à ne pas soutenir ce concept ».

L’entrée en vigueur des dispositions de l’ANI est subordonnée à son extension par le Ministère du Travail, par voie règlementaire. Certaines dispositions devront également être transposées dans la loi. Comme énoncé à l’article 35 de l’accord, « les parties signataires s’engagent à défendre le strict respect de l’accord dans le cadre de sa transposition législative et réglementaire ». Un comité de suivi de sa mise en œuvre est constitué à cet effet. La Première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé le 20 février 2023 « la transcription fidèle et totale de cet accord dans la loi ».

Les dispositifs de partage de la valeur existants

1. Participation

« La participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise. Elle prend la forme d’une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l’entreprise, constituant la réserve spéciale de participation » (article L. 3322-1 du Code du travail). Elle est obligatoire dans les entreprises employant au moins cinquante salariés (article L. 3322-2 du Code du travail).

2. Intéressement

« L’intéressement a pour objet d’associer collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l’entreprise. Il présente un caractère aléatoire et résulte d’une formule de calcul liée à ces résultats ou performances. Il est facultatif » (article L. 3312-1 du Code du travail). Toutes les entreprises peuvent le mettre en place par voie d’accord avec les salariés. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’intéressement peut être mis en place par décision unilatérale de l’employeur. Le salarié bénéficiaire de l’intéressement perçoit une prime dont le montant et les conditions de versement sont fixés par l’accord d’entreprise ou par la décision unilatérale.

3. Prime de partage de la valeur

La loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a créé la prime de partage de la valeur (PPV), qui remplace la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA). En 2022 et 2023, elle sera assortie d’exonérations dans les limites suivantes : un montant maximum de 3 000 €, porté à 6 000 € dans plusieurs cas (signature d’un accord d’intéressement, versement par un organisme d’intérêt général, versement aux travailleurs handicapés relevant d’un ESAT). Dans la limite de ces montants, les salariés gagnant jusqu’à 3 fois le SMIC bénéficient d’une prime exonérée de toutes les cotisations sociales et d’une exonération d’impôt sur le revenu. Les salariés gagnant plus de 3 fois le SMIC bénéficient d’une prime exonérée de cotisations sociales (sauf de la CSG et la CRDS). Ils ne bénéficient pas de l’exonération d’impôt sur le revenu. La PPV continuera de s’appliquer à partir de 2024, exonérée de cotisations sociales (sauf de la CSG et la CRDS) mais pas d’impôt sur le revenu.

4. Épargne salariale

Les sommes distribuées aux salariés au titre de l’intéressement et de la participation peuvent être placées dans des plans d’épargne salariale qui, en fonction des dispositions applicables dans l’entreprise, peuvent prendre la forme de plan d’épargne entreprise (PEE) ou de plan d’épargne retraite (PER). Ces différents plans d’épargne peuvent également recevoir, dans certaines limites, des versements volontaires du salarié et de l’entreprise.

 

Les dispositions clefs de l’ANI 

L’article 6 vise à encourager et faciliter un développement de la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés par la négociation collective.

Les organisations signataires demandent une modification du cadre légal afin que les organisations d’employeurs et de salariés dans chaque branche professionnelle ouvrent, avant le 30 juin 2024, une négociation visant à mettre à disposition des entreprises de moins de 50 salariés un dispositif de participation facultatif, dont la formule peut déroger à la formule de référence de la participation, dite « formule légale », et donner un résultat supérieur comme inférieur à celui de la formule de référence de la participation.

Les entreprises de moins de 50 salariés ont la possibilité de mettre en place le dispositif de branche par accord collectif ou par décision unilatérale, ou, par accord collectif, une autre formule dérogatoire de participation pouvant donner un résultat supérieur comme inférieur à celui de la formule de référence de la participation, dite « formule légale ». L’accord précise que les entreprises déjà couvertes par un accord de participation conclu au niveau de l’entreprise ne peuvent mettre en place une formule dérogatoire, sauf à négocier un nouvel accord.

L’article 7 vise à faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés.

Les entreprises de 11 salariés ou plus, et de moins de 50 salariés mettent en place au moins un dispositif légal de partage de la valeur (participation, intéressement, prime de partage de la valeur, abondement à un PEE, PEI ou PER) dès lors qu’elles sont constituées sous forme de société, qu’elles réalisent un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1% du chiffre d’affaires pendant 3 années consécutives, et qu’elles ne pas être couvertes par un dispositif de partage de la valeur.

Cette obligation entrera en vigueur au 1er janvier 2025. Pour l’appréciation du respect de la condition relative à la réalisation du bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 années consécutives, seront prises en compte les années antérieures à cette date d’entrée en vigueur, soit les années 2022, 2023 et 2024. Pour répondre à cette obligation, les entreprises de 11 salariés ou plus et de moins de 50 salariés ont la possibilité de mettre en place les dispositifs prévus à l’article 6.

Les sommes versées dans ce cadre ouvrent droit au régime social et fiscal de la participation.

Les dispositions prévues aux articles 6 et 7 de l’accord sont mises en place à titre expérimental pour une durée de 5 ans à compter de la signature de l’accord.

L’article 9 vise à mieux prendre en compte les résultats exceptionnels.

Dans les entreprises de 50 salariés et plus pourvues d’au moins un délégué syndical et soumises à l’obligation de mettre en place la participation, les négociations engagées avec cette délégation syndicale conformément aux dispositions du code du travail relatives à la participation et/ou à l’intéressement portent également sur l’insertion d’une clause spécifique dont l’objet est de fixer les modalités de prise en compte des résultats, au sens des dispositions relatives à la participation, réalisés en France et présentant un caractère exceptionnel tel que défini par l’employeur. Ces modalités peuvent prendre deux formes :

  • soit le versement automatique d’un supplément de participation ou d’intéressement dont les modalités (formule de calcul, temporalité, bénéficiaires, etc.) sont définies par accord ;
  • soit le renvoi à une nouvelle discussion sur le versement d’un dispositif de partage de la valeur (participation, intéressement, PPV, abondement au PEE ou au PER, etc.).

Dans les entreprises déjà couvertes par un accord de participation et/ou d’intéressement au moment de l’entrée en vigueur du présent accord, une négociation s’ouvre avant le 30 juin 2024 pour se conformer aux dispositions de l’article.