Au vu de la situation de blocage organisée pour les débats sur la loi duplomb visant à lever les contraintes du métier d’agriculteur, nous avons acté d’envoyer le texte directement à la commission mixte paritaire pour éviter cette situation par le vote d’une Motion de rejet.
Un secteur agricole en tension
Le monde agricole traverse une crise profonde, à la fois économique, sociale, climatique, mais également sanitaire. Ces derniers mois, la mobilisation des agriculteurs a rappelé avec force ce que beaucoup d’entre nous constatons sur le terrain depuis longtemps : un sentiment de lassitude, d’incompréhension, et parfois même de résignation chez celles et ceux qui nous nourrissent.
Ce sentiment n’est pas nouveau, mais il s’est intensifié ces dernières années sous le poids des normes, de la volatilité des prix, de la pression concurrentielle, de la complexification des procédures, des aléas climatiques mais aussi de la hausse des prix de l’énergie. Nos agriculteurs veulent produire, innover, transmettre. Trop souvent, ils doivent se justifier, gérer une charge administrative croissante et adapter en permanence leurs pratiques aux nouvelles exigences.
Si notre pays est toujours une puissance agricole de premier plan, sa part de marché à l’export a reculé, passant de 11 % en 1990 à 4,5 % en 2022. Cette perte de compétitivité est masquée, en partie, par un excédent commercial agroalimentaire globalement stable – autour de 10 milliards d’euros – mais qui repose avant tout sur la hausse des prix agroalimentaires.
La loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, promulguée le 24 mars dernier, a constitué une première étape. Elle offre des réponses concrètes pour préserver notre souveraineté agricole et alimentaire, sécuriser et simplifier le cadre de l’exercice de l’activité agricole, former une nouvelle génération d’agriculteurs et donner un nouvel élan à notre politique d’installation et de transmission.
La volonté de lever les freins, notamment administratifs et normatifs, au métier d’agriculteur
Le texte, déposé par nos collègues sénateurs Laurent DUPLOMB et Franck MENONVILLE, vient utilement compléter la loi d’orientation agricole en s’attaquant à des surtranspositions et surrèglementations françaises bien identifiées, notamment dans les domaines de la protection des cultures, des projets d’élevage, de la gestion de l’eau et des modalités de contrôle en exploitation.
Toutefois, nous avons souhaité, à l’Assemblée nationale, réécrire, amendé et rééquilibré le texte, pour aboutir à un compromis plus responsable. Voici quelques mesures clés adopté en commission et dont nous souhaitions débattre en séance :
- Séparation des activités de vente et de conseil avec le maintien de la séparation pour les firmes phytosanitaires et l’assouplissement pour les distributeurs, en ne leur appliquant plus cette obligation.
- Interdiction de certains produits phytosanitaires mais avec la possibilité de dérogations temporaires via décret, sous conditions strictes (absence d’alternative et plan de recherche requis).
- Suppression de la procédure contradictoire: le groupe Horizon regrette sa suppression, estimant qu’elle aurait permis un meilleur dialogue sans compromettre l’indépendance scientifique de l’Anses.
- ICPE et assurance prairies avec le retour à une instruction en trois phases et la réévaluation des pertes de production basée sur des indices.
- Gestion de l’eau : opposition à certaines modifications en commission qui altèrent l’équilibre initial et soutien au rétablissement de l’article 5 qui permet une gestion partagée et équitable de la ressource en eau.
La motion de rejet : un véritable coup de massue pour nos agriculteurs
L’examen de ce texte en séance était très attendu par nos agriculteurs et aurait permis de trouver un véritable compromis entre le travail constructif du Sénat et notre volonté de préserver un équilibre entre soutien à l’agriculture et transition écologique.
En déposant des milliers d’amendements, en refusant de les retirer, en n’acceptant pas l’examen en temps programmé que nous proposions, La France Insoumise et Les écologistes nous ont contraints au vote d’une motion de rejet préalable.
Résultat : le texte ira directement en commission mixte paritaire où sept députés et sept sénateurs repartiront de la version sénatoriale pour proposer un texte, que nous souhaitions pourtant améliorer.
Soutien aux agriculteurs et français qui nous nourrissent
Aucune minute à perdre pour l’agriculture française. Aucune place non plus pour l’idéologie ni la polémique qui voudrait opposer ruraux et urbains.
Nos agriculteurs travaillent à nous nourrir. L’agriculture française est la plus vertueuse au monde. Des progrès restent à accomplir. Si l’on impose des interdictions sans solution alternative, c’est la mort d’une filière entière.
Nous importons déjà la majorité des fruits et légumes que nous consommons. Luttons pour garder notre souveraineté alimentaire et pour avoir autre chose dans notre assiette que des aliments produits à l’étranger sans contrôle des normes en cours dans ces pays.
Mon choix est fait. Il n’est pas simple. Le groupe Horizons et moi-même sommes conscients qu’il est insatisfaisant. Mais il est le seul à même de permettre, à terme, l’adoption rapide d’un texte utile, attendu, et respectueux du travail et de l’engagement des agriculteurs. Il est aussi le signe de notre attachement à un débat parlementaire digne, constructif et à la hauteur des attentes exprimées.