Adoptons la consigne : changeons les règles du tri en France

 

Dans une large majorité des départements du pays, les taux de collecte et de recyclage ne sont pas à la hauteur des attentes des Français. Afin de lutter contre les 200 millions de bouteilles retrouvées chaque année dans la nature et atteindre l’objectif de collecte de 90% des bouteilles en plastiques d’ici 2029, le gouvernement propose de mettre en place un nouveau mécanisme : la consigne. Mais en quoi cela consiste, et est-ce un modèle viable et efficace ?

La consigne, c’est quoi ?

À l’achat d’un produit, le consommateur verse une caution, de l’ordre de quelques centimes, qui lui sera reversée au moment où il rapportera le produit consigné. Après avoir été rapporté dans un point de déconsignation (une machine ou un commerce), le produit est trié dans un centre de tri. Enfin, il peut être soit recyclé, soit réemployé.

100 000 points de collecte seraient installés sur le territoire (en moyenne 3 points de collecte dans les 36 000 communes de France). Ces points pourraient être soit des automates dans lesquels on insère les produits et qui rendent de la monnaie, soit des petits commerçants qui décideraient d’être volontairement des points d’apport.

En quoi est-ce utile de mettre en place une consigne sur certains produits ?

Mettre en place une consigne assure que les consommateurs déposeront les produits consignés au bon endroit. Ils feront le bon geste de tri. Ce mécanisme incitatif permet de s’assurer que les produits consignés seront bien collectés et en quantité suffisante.

Mais aujourd’hui, plusieurs blocages freinent l’adoption de ce nouveau système par les associations d’élus et certains recycleurs. Ces blocages sont de différentes natures :

I.  La dimension psychologique et culturelle

L’argument hostile : Le bac jaune est déjà un système efficace ! Ce n’est pas plus utile d’effectuer un changement aujourd’hui alors qu’en 30 ans, des investissements importants ont été effectués dans les centres de tris et au service de la propreté des territoires.

FAUX : L’ambition du projet de loi qui est d’éliminer le plastique dans la nature et de collecter pour recycler au moins 90% des bouteilles plastique suppose un changement culturel qui peut en effet donner l’impression aux élus locaux qu’ils n’ont pas bien fait leur travail, qu’ils sont sous-performant etc. Aujourd’hui, les comparaisons internationales montrent que seuls les pays disposants d’une consigne ont obtenu le résultat de 90% de bouteilles quand la France n’atteint aujourd’hui « que » 57% de collecte pour recyclage.

II. La dimension économique

L’argument hostile : Avec la consigne, les collectivités vont prendre de l’argent et devoir augmenter les impôts locaux !

FAUX: Quelques collectivités perdront un peu d’argent et seront compensées. Elles pourront même en gagner. Pourquoi ?

Le service public de collecte et de tri des déchets d’emballage est assuré par les collectivités (soit en propre, soit par délégation). CITEO, l’éco-organisme chargé de la fin de vie des emballages rembourse environ 80% des frais avancées par les collectivités pour assurer ce service. Les 20% restant sont financés par la fiscalité locale. Plus précisément, CITEO rembourse 80% du coût net du tri optimisé du service public de collecte et de tri des déchets d’emballage. Donc, moins les collectivités revendent de matière, plus elles bénéficient du soutien de CITEO.

Par ailleurs, le Gouvernement et le Sénat se sont montrés favorables à un mécanisme compensation des collectivités dit « déconsignation du bas jaune». C’est-à-dire, offrir la possibilité aux collectivités qui récupéreront dans le bac jaune des produits consignés, de les déconsigner pour leur compte auprès de CITEO. Ce mécanisme se base sur l’idée que tous les consommateurs ne vont pas déconsigner leurs produits et continueront à les jeter dans le bac jaune. Les gains pour les collectivités sont estimés entre 50 et 120 millions d’euros par an d’après le rapport Vernier. Les collectivités auront donc potentiellement des recettes supérieures aux pertes.

III. La gouvernance du système

L’argument hostile : Ce système se déploierait au détriment des commerces de centre-ville ! Ce système favorise les acteurs de la grande distribution situés à la périphérie des villes qui vont avoir un intérêt à s’allier avec les metteurs en marché pour récupérer la matière sur le lieu d’achat.

FAUX : Les modalités de déploiement du système seront décidées en concertation avec les régions en charge de la planification des politiques de gestion des déchets afin de garantir un maillage territorial équilibré des lieux de déconsignation et s’assurer que les commerces de centres-bourgs puissent en profiter.

L’argument hostile : La consigne, ce n’est pas efficace sur le plan environnemental ! Ça sert d’abord à légitimer le plastique. Maintenant, on pourra le consommer en total bonne conscience !

FAUX : Certes, les comparaisons internationales montrent que la vente de plastique progresse dans les pays qui ont la consigne, comme l’Allemagne par exemple mais, cette hausse existe partout, en Allemagne, en France, comme ailleurs. Ce que l’on observe, c’est que cette hausse progresse moins vite dans les pays où il y a la consigne. Il ne faut pas confondre causalité et corrélation.

Ensuite, seule la consigne permet d’atteindre des taux de collecte de 90% et d’éliminer les bouteilles dans la nature. Toutes les comparaisons européennes le montrent. L’objectif de 90% est avant tout un objectif environnemental.