La crise du coronavirus et l’état d’urgence sanitaire frappent la profession agricole du département du Bas-Rhin en raison de plusieurs caractéristiques :

  • une production agricole très diversifiée comprenant une part significative de consommation locale avec ou sans transformation à la ferme,
  • des productions à forte valeur ajoutée nécessitant une main d’œuvre importante, notamment en avril-mai (asperges, houblon, fraises, maraîchage),
  • des débouchés dans la restauration hors domicile ou en vente directe grâce à un bassin de population important et un attachement à la marque « produit en Alsace »,
  • une position frontalière qui génère des relations nombreuses entre acteurs économiques situés de part et d’autre du Rhin.

Ainsi les dispositions prises par le gouvernement ont conduit les services de l’État à se mobiliser pour accompagner la chambre d’agriculture et les organismes professionnels agricoles vers une adaptation très rapide des pratiques.

1/ Un besoin de main d’œuvre à satisfaire localement et en urgence

L’essentiel de la main d’œuvre saisonnière employée en agriculture était jusqu’à présent essentiellement étrangère. La crise sanitaire a conduit ce gisement de main d’œuvre à se tarir brutalement.

Outre les actions de communication qui ont permis à de nombreux candidats à se déclarer volontaires une plateforme a été ouverte par la FDSEA pour rapprocher l’offre et la demande. 

Les collectivités locales et les acteurs institutionnels de l’emploi ont par ailleurs été sollicités pour trouver en quinze jours une main d’œuvre de substitution pour la récolte d’asperges, l’accrochage au fil des tiges de houblon puis la plantation en maraîchage en s’appuyant sur :

  • le Conseil départemental avec les bénéficiaires du RSA
  • pôle emploi et la DIREECTE pour les salariés concernés par le chômage technique
  • les associations d’insertion dont l’activité dans les chantiers du paysage a diminué
  • les associations accompagnant les réfugiés bénéficiant du droit d’asile
  • l’Université et les écoles de l’enseignement supérieur pour proposer aux étudiants une activité rémunérée pendant une période plus creuse de leur parcours

En assouplissant les règles de cumul des allocations, indemnités et des revenus, 200 offres d’emplois ont pu être satisfaites en un temps très court.

2/ L’effondrement des ventes à destination de la restauration hors domicile

Les industries de transformation ont cherché à adapter au mieux le conditionnement de leur production pour passer d’une commercialisation de volumes adaptés à la restauration collective à la restauration familiale. Les aspects logistiques du conditionnement se sont heurtés à des difficultés d’approvisionnement et de marché pour lesquels les services de l’Etat ont cherché à être utiles en :

  • facilitant le maintien de l’activité des transports routiers et le passage des frontières ;
  • promouvant des relations contractuelles renforcées avec les GMS

3/ La fermeture des marchés

Traditionnels en Alsace les marchés représentent un mode de commercialisation historique et prépondérant de la vente directe. Leur fermeture a causé un préjudice très important pour les producteurs positionnés sur ce type de commercialisation. Dans un département fortement touché par le virus, les marchés en particulier sur Strasbourg ne rouvront pas. Il était donc important que les débouchés puissent être assurés par de nouvelles modalités de commercialisation.

Un élan très fort de la part des producteurs, des collectivités locales et des services de l’État a permis de  maintenir le lien qui existait entre producteurs et clients en proposant une offre commerciale de proximité de substitution. C’est ainsi que se développent depuis trois semaines des points de ventes temporaires dans des locaux privés ou mis à disposition par les collectivités selon la formule des drive. Les clients viennent y chercher dans les conditions sanitaires requises des produits commandés à l’avance ou des paniers homogènes de type de ceux proposés en AMAP.

Dans le cadre d’une démarche inter consulaire, une plateforme de mise en relation a été développée et proposée par la chambre de commerce et d’industrie en lien avec la chambre d’agriculture. Le consommateur peut y identifier en quelques clics les établissements ouverts et proposant leurs services pendant la crise du coronavirus. Depuis la semaine dernière, ce sont 300 points de vente qui sont déjà inscrits. Dans le domaine de la vente de produits alimentaires la carte interactive enregistre ses premières inscriptions et permet de distinguer vente à la ferme, livraison à domicile, drive, …

4/ Le développement des débouchés en GMS

Très tôt, le contact entre les têtes de réseau des GMS et la chambre d’agriculture a été noué. Plusieurs réunions de sensibilisation d’abord, puis d’accompagnement, ont été animées par le secrétaire général de la préfecture, en particulier sur la filière des fruits et légumes. Plusieurs enseignes se sont positionnées et ont proposé une place supplémentaire aux produits locaux avec une contractualisation privilégiant en général les coopératives d’approvisionnement, mais sachant également mettre en valeur un producteur local. Des enseignes ont proposé à leurs clients des messages publicitaires valorisant ces initiatives commerciales et la profession agricole locale communique régulièrement sur son rôle dans l’offre alimentaire de nos concitoyens.

La semaine dernière une offre de fromages de Munsters invendus a pu être partiellement résorbée après signalement, par la chambre d’agriculture, des producteurs concernés auprès du réseau régional des GMS.

Je ne manque pas d’intervenir personnellement en appelant les responsables de magasins qui ne respectent pas les engagements pris par des enseignes de la grande distribution. 

Cependant, il est à noter une stratégie des prix et des marges dans ce secteur très concurrentiel qui pénalise le producteur. L’écoulement des volumes devra être accompagné d’un effort des opérateurs de la distribution vers une meilleure répartition des marges.

5/ Le respect des règles barrières et de distanciation – approvisionnement en masques

Les services de l’État rappellent régulièrement aux opérateurs les règles qui permettent aux activités économiques de se poursuivre tout en préservant la santé des personnes, notamment des salariés. Face à la pénurie de masques, une filière locale de production a été lancée qui s’appuie sur le Pôle Textile. Pour faciliter l’approvisionnement, la CCI assure un rôle de chef de file des différentes filières économiques. 

La chambre d’agriculture, quant à elle, s’appuie sur le réseau des coopératives pour identifier les relais locaux qui permettront aux agriculteurs de s’approvisionner. Le comptoir agricole dans le Bas-Rhin et la CAC apparaissent comme les pivots de cette organisation dans les deux départements alsaciens, ce qui devrait permettre dans les prochains jours à toute la filière alsacienne d’être équipée. Les DDT qui disposent d’un fichier de contacts de tout premier rang transmettra à chacun d’eux une information sur le circuit d’approvisionnement lui permettant de réserver les quantités dont il aura besoin. 

A signaler que certains opérateurs institutionnels du secteur assurantiel pourraient décider de subventionner les achats de masques et gel hydroalcoolique des producteurs agricoles.

6/ Accompagnement économique

L’accompagnement économique se poursuit selon plusieurs axes :

  • un effort de communication auprès du grand public pour orienter le consommateur vers l’achat de produits locaux
  • une incitation des opérateurs économiques pour concéder des prix justes aux producteurs ;
  • l’identification pour le moyen terme des capacités de stockage de viande, de beurre ou de poudre de lait, avec une attente très forte des acteurs économiques de la réponse de la Commission Européenne à la demande des Autorités Françaises d’activer les mécanismes d’intervention de l’organisation commune de marché ;
  • l’identification au sein de la chambre d’agriculture d’une équipe plus particulièrement en charge d’apporter aux agriculteurs en difficultés (notamment les fermiers aubergistes et les horticulteurs) les informations pertinentes sur les outils d’accompagnement transversaux mis en place par l’Etat et la  Région (chômage technique, fonds de solidarités, reports de charge, prêts, …) 

Enfin, les services cherchent à accélérer tous les paiements possibles (aides Bio en attente de financement par l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse, dossiers calamités agricoles 2018 en cours de finalisation suite à la réception des justificatifs de la part des demandeurs, demandes de paiement pour les aides européennes à l’investissement en lien avec l’autorité de gestion en acceptant la signature dématérialisée des documents,…).