Coronavirus : la mobilisation en région frontalière franco-allemande

Monsieur le Premier Ministre

Permettez-nous de vous adresser nos plus vifs remerciements pour votre engagement européen, votre réactivité et l’intérêt que vous portez à notre région frontalière franco-allemande, dans la lutte contre la propagation du Covid-19.
Nous sommes convaincus qu’un engagement fort transfrontalier est un signal politique indispensable dans l’esprit du Traité d’Aix-la-Chapelle de 2019. Il se doit d’être décliné concrètement dans le quotidien de nos concitoyens pour jalonner le chemin de la sortie de la crise sanitaire qui paralyse l’Europe.

C’est pourquoi, comme vous, nous nous attachons particulièrement au vécu de nos territoires frontaliers,véritable sismographe de l’ambiance délétère et terriblement inquiétante du moment présent, dû notamment à la fermeture des frontières.
En tant que Président et Directrice générale du Centre Européen de la Consommation de Kehl, institution que vous connaissez, nous sommes régulièrement informés des obstacles que rencontrent nos concitoyens dans leur « quotidien transfrontalier ». C’est en ce sens que nous souhaitons vous faire connaître quelquesexemples montrant des tendances allant de l’arbitraire des autorités chargées des contrôles en passant parune stigmatisation en fonction de la nationalité des personnes qui fragilisent notre coopération franco- allemande.

Les témoignages et plaintes quotidiennes que nous recevons sont relatives aux difficultés rencontrées lorsdu passage à la frontière de la France vers l’Allemagne qui peuvent varier d’un poste de frontière à l’autre et parfois même d’un jour à l’autre. En effet les contrôles (justificatifs de déplacement) sont laissés àl’appréciation des autorités, notamment de la police qui peut avoir des interprétations différentes des textes.Cet aspect est grave de conséquences sur les principes de liberté de circulation, actuellement entravés au vu des mesures restrictives dues à la crise, mais aussi à leur contrôle très subjectif et aux divergencesd’interprétation des autorités chargées du contrôle !

La même constatation s’applique aux travailleurs frontaliers, notamment lorsqu’ils ont une CNI française contrairement à ceux qui ont la nationalité allemande et qui, résidant en France, n’ont besoin d’aucun justificatif, excepté leur carte d’identité à la frontière allemande.
D’aucuns ont dénoncé le renvoi brutal de frontaliers français par leurs employeurs ou l’interdiction faite aux travailleurs allemands d’avoir un contact avec quelqu’un qui réside de l’autre côté de la frontière, nouspourrions également citer les dénonciations relatives aux plaques d’immatriculation françaises en Allemagne, entraînant des contrôles policiers notamment pour les travailleurs frontaliers qui après avoir été verbalisés, sont renvoyés pour absence de test au Covid-19 ou tout simplement parce qu’ils sont Français. Il en est de même dans les tribunaux comme à Offenburg qui récusent les avocats pour la simple raison qu’ils sontdomiciliés à Strasbourg.

Nous constatons également un blocage de la frontière pour les entreprises et artisans allemands, les échanges transfrontaliers ayant déjà été mis à mal par les lourdes et chronophages formalités administratives relatives au détachement des salariés en France. En ce sens et pour illustrer notre propos, nous joignons à la présente, le courrier des Présidents des Chambres de commerce et d’industrie des Länder limitrophes à laFrance et par M. Maugis, Président de la Chambre franco-allemande, adressé au Ministre de l’Intérieur,Christophe Castaner.

Enfin, nous recevons quotidiennement des messages de citoyens relatant la stigmatisation des personnesrésidant en France, qui s’inquiètent à juste titre des conséquences de la fermeture des frontières et dessanctions appliquées. Vous trouverez ci-joint un message d’une citoyenne allemande qui compte sur unecoopération franco-allemande renforcée.

Dans la région frontalière franco-allemande, l’épidémie de Covid-19 a fortement impacté la mobilité des citoyens. Travailleurs frontaliers, artisans, étudiants ou consommateurs : tous ceux qui pensaient vivre dans un espace frontalier ouvert sont depuis plusieurs semaines confrontés à un véritable casse-tête juridique et administratif pour traverser le Rhin. Puis-je me faire rembourser un voyage réservé dans une agence allemande ? Me faire livrer un meuble par une entreprise allemande en France ? Me faire soigner outre- Rhin ? Le CEC a apporté aux citoyens-consommateurs son expertise juridique sur des questions transfrontalières aussi variées que complexes en publiant sur son site internet des informations en langue française et allemande, régulièrement actualisées, sur la situation en région frontalière ainsi qu’en Europe grâce à ses deux services européens (Centre Européen des Consommateurs France et Centre Européen des Consommateurs Allemagne). Il a pu compter sur le soutien de la Région Grand Est et de son service dédié à la coopération transfrontalière qui a mis en réseau dès le début de la crise sanitaire l’ensemble des structures transfrontalières, afin de permettre un échange et une diffusion efficace des informations. C’est dans ce contexte, que nous souhaitions vous interpeler et vous alerter à partir des observations faitessur le terrain par le CEC. Dans cette situation inédite, nous nous associons pleinement à votre mobilisation au service de nos concitoyens de notre région franco-allemande.

En vous remerciant de l’intérêt porté à notre courrier, et en restant à votre entière disposition, nous vousprions d’agréer, Monsieur Le Premier Ministre, nos respectueuses salutations.

Vincent Thiébaut, Président du CEC

Martine Mérigeau, Directrice générale