La politique agricole commune et la stratégie Farm to Fork
Une politique majeure de l’Union européenne
Prévue dans le traité de Rome, la politique agricole commune (PAC) voit le jour en 1962. Elle vise alors à relancer la production alimentaire du continent dévasté par la guerre, tout en assurant des revenus satisfaisants aux agriculteurs et des prix convenables aux consommateurs. Elle se fonde sur les principes suivants :
-
- L’unicité du marché, impliquant la libre circulation des produits agricoles sur le territoire des États membres et la mise en oeuvre de moyens et mécanismes communs dans l’ensemble de l’Union européenne pour l’organisation de ce marché ;
- La préférence communautaire, qui protège le marché européen des importations à bas prix et des fluctuations du marché mondial ;
- La solidarité financière : les dépenses imposées par la PAC étant prises en charge par le budget communautaire ;
- Des prix minimums garantis pour les producteurs.
Plusieurs réformes ont modifié la PAC depuis les années 1980
Afin de réduire son coût croissant dans le budget européen et répondre aux accusations de protectionnisme européen de la part des pays commerçants avec l’UE, cette politique a pu limité l’impact négatif de l’agriculture sur l’environnement.
Le budget de la politique agricole commune est aujourd’hui de 386,6 milliards d’euros pour la période 2021-2027 (soit environ 32% du budget de l’UE). Les agriculteurs français en sont les principaux bénéficiaires avec plus de 9 milliards d’euros par an, représentant 22 % de leurs revenus, alors que la France en est le deuxième contributeur après l’Allemagne.
La PAC fonctionne sur deux piliers
- Le soutien des marchés des revenus agricoles (291,1 milliards d’euros pour 2021-2027) par le biais d’aides directes aux agriculteurs, en fonction de leur surface agricole ou du nombre de leur bêtes, qui vise à leur donner un revenu minimal garanti. Pour toucher ces aides directes, les producteurs doivent respecter plusieurs critères environnementaux et de bien-être des animaux : c’est le principe de « conditionnalité ». Outre les exigences réglementaires en matière de gestion, les aides de la PAC sont aussi conditionnées à des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) telle que le maintien de prairies permanentes, la protection des zones humides et des tourbières, la rotation des cultures, le maintien des éléments du paysage ou la préservation des sites Natura 2000.
- La politique de développement rurale (87,5 milliards d’euros pour 2021-2027), cofinancée par les Etats-membres principalement au travers du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Elle a pour objectif de maintenir le dynamisme socio-économique des territoires ruraux. Le FEADER finance par exemple les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) accompagnant sur cinq ans les agriculteurs et agricultrices qui s’engagent dans la transition agroécologique (réduction des engrais et des pesticides, etc.)
La nouvelle politique agricole commune
Entrée en vigueur au 1er janvier 2023, la nouvelle politique agricole commune vise à assurer un soutien plus ciblé aux petites exploitations, renforcer la contribution de l’agriculture aux objectifs de l’UE en matière d’environnement et de climat. L’exécutif européen veille notamment à la conformité des politiques des pays de l’UE en matière agricole aux objectifs du Pacte vert pour l’Europe.
Cette nouvelle PAC entame une « renationalisation », en laissant une marge de manœuvre supplémentaire aux États-membres.
Chaque pays a ainsi adressé à la Commission européenne un plan stratégique national (PSN) pour 5 ans. Chaque plan précise la manière dont l’État membre utilisera les financements de la PAC pour satisfaire à ses besoins, notamment les outils à utiliser et ses objectifs spécifiques.
Pour la France
Parmi les éléments mis en avant par le plan du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire pour la France, on retrouve notamment un effort particulier à destination de l’élevage et de la filière légumineuses. La France se fixe également l’objectif de développer l’agriculture biologique pour atteindre 18 % de la surface agricole utile (SAU) d’ici 2027 (contre un peu plus de 13 % en 2021).
Autre nouveauté de la nouvelle PAC, l’éco-régime représente 25% des aides directes aux agriculteurs. Cette aide est ciblée vers les agriculteurs qui s’engagent à mettre en œuvre sur l’intégralité de leur exploitation des pratiques agronomiques favorables au climat et à l’environnement.
La stratégie Farm to fork : pan agricole du Pacte vert européen
Le secteur agricole est responsable de 11,4% des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne en 2020, et contribuerait de façon importante à l’appauvrissement de la biodiversité.
De même, les régimes alimentaires peu sains seraient responsables sur le continent de 16 millions d’années de vie en bonne santé perdues et près de 950 000 décès en 2017.
Face à ces enjeux, la Commission européenne à présenté le 20 mai 2020 deux stratégies conjointes, déclinaisons du Pacte vert. La première vise à enrayer la chute de la biodiversité, à l’horizons 2030, et la deuxième, intitulée « Farm to Fork » (de la Ferme à la fourchette) a quant à elle pour but de promouvoir un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement.
La stratégie européenne « de la Ferme à la fourchette » propose des mesures phares, parmi lesquelles :
- réduire de 50 % le recours aux pesticides d’ici à 2030,
- porter à 25 % des surfaces exploités les surfaces consacrées à l’agriculture biologique,
- créer un étiquetage nutritionnel obligatoire et harmonisé au niveau européen,
- définir des teneurs maximales en sels, sucres et matières grasses,
- protéger le bien être animal en mettant notamment fin à l’élevage en cage à partir de 2027.
L’adoption de cette stratégie, le 21 octobre 2021 au Parlement européen, a provoqué de nombreux débats.
Le Copa-Cogeca, principal syndicat agricole européen, proteste contre cette stratégie, alors que certaines études pointent la potentiel perte de productivité agricole du continent européen dû à l’application de ces objectifs.
D’autre part l’invasion Russe en Ukraine a fortement aggravé l’inflation alimentaire et la perspective de l’adhésion d’un pays représentant 3% de la production de blé mondiale fait craindre le manque de clauses miroirs avec les principaux partenaires commerciaux – et futurs membres – de l’UE.
Autre objectif pointé du doigt : celui de dédier 10% de l’ensemble des surfaces européennes à des éléments de paysages comme les haies. Toutefois, cet objectif européen n’a jamais été traduit en législation et toutes les mentions y faisant référence ont été supprimée de la loi sur la restauration de la nature adoptée en 2023.