Ce courrier a été adressé à Christophe Arendt, député et Andreas Jung, Co-Préisdents de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, le 29 avril suite à la déclaration « Ensemble contre le Coronavirus : une initiative franco-allemande » envoyé aux membres de l’Assemblée parlementaire franco-allemand.

Permettez-nous de rebondir sur vos initiatives en vous adressant nos plus vifs remerciements. Nous sommes convaincus qu’un engagement fort de l’Assemblée parlementaire franco-allemande est un signal politique indispensable dans l’esprit du Traité d’Aix-la-Chapelle de 2019. Il se doit d’être décliné concrètement dans le quotidien de nos concitoyens pour jalonner le chemin de la sortie de la crise sanitaire qui paralyse l’Europe.

C’est pourquoi nous nous attachons particulièrement au vécu de nos territoires frontaliers, véritable sismographe de l’ambiance délétère et terriblement inquiétante du moment présent.

En tant que Président et Directrice générale du Centre Européen de la Consommation de Kehl, institution que vous connaissez, nous sommes régulièrement informés des obstacles que rencontrent nos concitoyens dans leur « quotidien transfrontalier ». C’est en ce sens que nous souhaitions vous faire connaître quelques exemples montrant des tendances allant de l’arbitraire des autorités chargées des contrôles à une stigmatisation en fonction de la nationalité des personnes qui fragilisent notre coopération franco-allemande.

Les témoignages et plaintes quotidiennes sont relatives aux difficultés rencontrées lors du passage de la frontière de la France vers l’Allemagne qui peuvent varier d’un poste de frontière à l’autre et parfois même d’un jour à l’autre. En effet les contrôles (justificatifs de déplacement) sont laissés à l’appréciation des autorités, notamment de la police qui a souvent des interprétations différentes des textes et ce, selon les personnes et selon les jours !

Cet aspect est grave de conséquences sur les principes de liberté de circulation, actuellement supprimés au vu des mesures restrictives dues à la crise, mais aussi à leur contrôle très subjectif et aux divergences d’interprétation des autorités chargées du contrôle!

La même constatation s’applique aux travailleurs frontaliers, notamment lorsqu’ils ont une CNI française contrairement à ceux qui ont la nationalité allemande et qui, résidant en France, n’ont besoin d’aucun justificatif, excepté leur carte d’identité à la frontière allemande.

Monsieur Arendt, vous avez signalé le renvoi de frontaliers français par leurs employeurs ou l’interdiction faite aux travailleurs allemands d’avoir un contact avec quelqu’un qui réside de l’autre côté de la frontière, nous pourrions également citer les dénonciations relatives aux plaques d’immatriculation françaises en Allemagne, entraînent des contrôles policiers notamment pour les travailleurs frontaliers qui après avoir été verbalisés, sont renvoyés pour absence de test au Covid-19 ou tout simplement parce qu’ils sont Français. Il en est de même dans les tribunaux comme à Offenburg qui récusent les avocats pour la simple raison qu’ils sont domiciliés à Strasbourg.

Nous constatons également un quasi blocage de la frontière pour les entreprises et artisans allemands, les échanges transfrontaliers ayant déjà été mis à mal par les lourdes et chronophages formalités administratives relatives au détachement des salariés en France. En ce sens et pour illustrer notre propos, nous joignons à la présente, le courrier des Présidents des Chambres de commerce et d’industrie des Länder limitrophes à la France et par M. Maugis, Président de la Chambre franco-allemande, adressé au Ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner.

Enfin, nous recevons quotidiennement des messages de citoyens relatant la stigmatisation des personnes résidant en France, qui s’inquiètent à juste titre des conséquences de la fermeture des frontières et des sanctions appliquées. Vous trouverez ci-joint un message d’une citoyenne allemande qui compte sur une coopération franco-allemande renforcée.

Dans la région frontalière franco-allemande où l’épidémie de Covid-19 a fortement impacté la mobilité des citoyens, travailleurs frontaliers, artisans, étudiants ou consommateurs, tous ceux qui pensaient vivre dans un espace frontalier ouvert, sont depuis plusieurs semaines confrontés à un véritable casse-tête juridique et administratif pour traverser le Rhin. Puis-je me faire rembourser un voyage réservé dans une agence allemande ? Me faire livrer un meuble par une entreprise allemande en France ? Me faire soigner outre-Rhin ?

Le CEC a apporté aux citoyens-consommateurs son expertise juridique sur des questions transfrontalières aussi variées que complexes en publiant sur allemande, régulièrement actualisées, sur la situation en région frontalière ainsi qu’en Europe grâce à ses deux services européens (Centre Européen des Consommateurs France et Centre Européen des Consommateurs Allemagne).

Il a pu compter sur le soutien de la Région Grand Est qui a mis en réseau dès le début de la crise sanitaire l’ensemble des structures transfrontalières, afin de permettre un échange et une diffusion efficace des informations.

C’est dans ce contexte, que nous souhaitions vous interpeler et vous alerter à partir des observations faites sur le terrain par le CEC. Dans cette situation inédite, nous nous associons pleinement à votre déclaration commune et souhaitons avec vous, poursuivre notre mobilisation qui s’inscrit dans le quotidien de nos concitoyens de notre région franco- allemande.

En vous remerciant de l’intérêt porté à notre courrier, et en restant à votre entière disposition, nous vous prions d’agréer, chers Présidents, nos respectueuses salutations.

 

Vincent Thiébaut Président du CEC Député du Bas-Rhin

Martine Mérigeau Directrice générale