Proposition de résolution portant sur la reconnaissance et la condamnation de la grande famine de 1932‑1933, connue sous le nom d’« holodomor », comme génocide

 

La « grande famine » de 1932-1933 en République Socialiste Soviétique d’Ukraine est bien un génocide, elle est la résultante d’une politique délibérée de Joseph Staline pour briser la résistance et les volontés nationales ukrainiennes face aux collectivisations forcées des terres.

Nous devons voter cette résolution, pour la mémoire des victimes du stalinisme et pour répondre aux menaces du présent. Il s’agit d’abord d’honorer la mémoire des victimes du stalinisme, nombreuses, au-delà même de l’Holodomor. Il s’agit aussi d’envoyer un message à tous ceux qui, aujourd’hui, souffrent du manque de reconnaissance de ce crime, et à ceux qui au contraire voudraient s’en détacher et refuser de le regarder en face.

C’est ce que permet la proposition de résolution. Elle reconnait le caractère génocidaire de cette famine organisée. Elle ouvre la voie à une reconnaissance internationale de l’Holodomor, et, par là-même, participe à honorer la mémoire de l’ensemble des victimes de génocide à travers le monde.

Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de cette proposition de résolution.

 

Ministres au banc : Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères | Rapporteur : Anne GENETET (RE) | Responsable de texte HOR : Jean-François PORTARRIEU | Date de l’examen : 28 mars 2023

 

L’holodomor dans l’histoire

L’Holodomor désigne la grande famine qui a eu lieu en RSS d’Ukraine et dans le Kouban (RSFS de Russie), en URSS, en 1932 et 1933. Selon les estimations des historiens, elle a fait entre 2,6 et 5 millions de morts. Le terme Holodomor signifie littéralement « extermination par la faim ».

L’Holodomor a eu lieu dans le contexte plus général des famines soviétiques de 1931-1933. Selon Viktor Iouchtchenko, président d’Ukraine de 2005 à 2010, l’Holodomor n’avait pas de « cause naturelle », il avait été planifié par les autorités soviétiques dans le cadre du programme de collectivisation des terres et de confiscation des grains, pour tuer les « aspirations nationales » des Ukrainiens. En conséquence, l’Ukraine a reconnu le caractère génocidaire de cette famine par une loi adoptée le 28 novembre 2006. La responsabilité des autorités soviétiques dans la genèse et l’ampleur de la famine (à travers la collectivisation, les campagnes de « dékoulakisation », les réquisitions excessives de denrées alimentaires auprès des paysans et les limitations aux déplacements imposées en pleine famine) est généralement reconnue.

Un débat parmi les experts

La question de classer l’Holodomor parmi les génocides fait débat parmi les experts. Certains historiens considèrent que cette famine a un caractère génocidaire en raison de ses spécificités. D’autres estiment que la famine était destinée à détruire la paysannerie et n’était pas liée à un groupe national ou ethnique.

Depuis le début l’agression de l’Ukraine par la Russie en 2022, le gouvernement ukrainien fait de la reconnaissance de l’Holodomor comme génocide par ses partenaires un élément majeur de sa diplomatie. Le président de la Rada d’Ukraine déclarait ainsi à la tribune de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2023 : « la reconnaissance de l’Holodomor comme génocide sera un signal fort et important, car comme par le passé avec le régime soviétique, aujourd’hui le régime de Poutine n’aspire qu’à une chose : détruire la nation ukrainienne ».

Le Parlement européen a reconnu en 2008 l’Holodomor comme un crime contre l’humanité. En 2022, il a également qualifié l’Holodomor de génocide. 28 pays ont également reconnu l’Holodomor comme un génocide, dont plusieurs pays d’Europe ainsi que les États-Unis.

Que dit cette résolution ?

La proposition de résolution portant sur la reconnaissance et la condamnation de l’Holodomor comme génocide a été déposée le 27 janvier 2023 en vue d’être examinée dans le cadre de la semaine de l’Assemblée nationale, le mardi 28 mars 2023 en séance publique.

a) Objectifs de cette proposition de résolution

La résolution reconnait le caractère génocidaire de la « grande famine » en République soviétique d’Ukraine de 1932-1933. Elle invite le gouvernement à faire de même. Elle pointe le caractère intentionnel de cette famine, et la volonté du régime de Staline d’exterminer toute résistance des paysans ukrainiens face à la collectivisation forcée des terres.

b) Contexte et état du droit international

Comment se définit un génocide ?

La convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 définit le génocide comme suit : 

« Tout acte comme défini ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

  • Meurtre de membres du groupe ;
  • Atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
  • Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
  • Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
  • Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe »

 Le texte de la résolution

ARTICLE UNIQUE – Reconnaissance et la condamnation de la grande famine de 1932‑1933, connue sous le nom d’« holodomor », comme génocide

L’article unique reprends les principaux éléments justifiant la qualification de génocide : sur le fondement de la définition du génocide par la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, il rappelle à la fois le caractère intentionnel de cette famine, le bilan humain de plusieurs millions de morts, la répression, et la suppression et la déformation des informations sur le sujet par les autorités soviétiques.

Sur la base de ce constat, par la proposition de résolution, l’Assemblée nationale :

  • Reconnaît comme génocide et condamne la famine forcée et planifiée par les autorités soviétiques à l’encontre de la population ukrainienne en 1932 et 1933, connu sous le nom de l’Holodomor ;
  • Affirme son soutien au peuple ukrainien dans son aspiration à faire reconnaître les crimes de masse commis à son encontre par le régime soviétique ;
  • Invite le Gouvernement français à reconnaître officiellement et à condamner publiquement le génocide, à rendre hommage aux victimes, à poursuivre les initiatives diplomatiques visant à la reconnaissance internationale du génocide et à encourager un meilleur accès aux archives pour les historiens.