La proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, déposée par Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Véronique Riotton, Mme Cyrielle Chatelain, et M. Gabriel Attal, s’inscrit dans un contexte de mobilisation accrue contre les violences sexuelles en France. Cette initiative fait suite à une mission d’information parlementaire qui a mis en lumière les insuffisances de la législation actuelle pour protéger efficacement les victimes et garantir une justice équitable.

Les objectifs de la Proposition de Loi

L’objectif principal de cette proposition est d’introduire la notion de non-consentement dans la définition légale du viol et des agressions sexuelles. Actuellement, la loi se concentre sur les moyens de coercition tels que la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. En ajoutant le critère du non-consentement, la loi vise à mieux refléter les réalités des violences sexuelles, où l’absence de consentement est souvent au cœur des situations vécues par les victimes.

Les modifications législatives Proposées

  • Définition du Consentement : Le consentement doit être libre, éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il ne peut être déduit du silence ou de l’absence de résistance de la victime. Cette clarification vise à éviter les interprétations erronées et à renforcer la protection des victimes.
  • Insertion dans le Code Pénal : La proposition de loi prévoit d’insérer la notion de consentement dans les articles du Code pénal relatifs aux agressions sexuelles et au viol. Cela inclut la modification de l’article 222-22 pour préciser que toute atteinte sexuelle non consentie constitue une agression sexuelle.
  • Évaluation des Effets : Un amendement prévoit la remise d’un rapport gouvernemental évaluant les effets de cette redéfinition sur le traitement judiciaire des violences sexuelles, afin de mesurer l’impact concret de la réforme.

Adoption et Soutien Politique

La commission des Lois de l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi à l’unanimité, avec l’abstention du RN. Ce soutien large témoigne de la reconnaissance transpartisane de la nécessité de renforcer la législation contre les violences sexuelles. Plusieurs amendements rédactionnels ont été adoptés pour aligner le texte avec l’avis du Conseil d’État, garantissant ainsi sa conformité juridique.

Situation Actuelle des Violences Sexuelles en France – en chiffres

Les chiffres sont alarmants : en 2023, environ 270 000 personnes ont été victimes de viols ou d’agressions sexuelles, mais seulement 61 000 ont été enregistrées par les services de sécurité. Ce décalage révèle les obstacles auxquels sont confrontées les victimes pour porter plainte et obtenir justice. Le taux élevé de classements sans suite (86 % pour les viols) souligne les difficultés à caractériser les infractions en l’absence de preuves suffisantes.

Les défis Judiciaires et Sociétaux

  • Libération de la Parole : La libération de la parole des victimes, amplifiée par des mouvements comme #MeToo, a mis en lumière l’ampleur des violences sexuelles. Cependant, elle a aussi révélé les failles du système judiciaire, où seulement 6 % des victimes osent porter plainte.
  • Preuves et Consentement : La difficulté à prouver l’absence de consentement est un obstacle majeur. La nouvelle définition vise à clarifier ce critère, facilitant ainsi le travail des enquêteurs et des juges.
  • Impact des Procès Médiatisés : Les procès de Mazan, où plusieurs accusés ont été jugés pour viol, ont remis en question la définition actuelle du viol. Les avocats de la défense ont souvent contesté l’élément intentionnel de l’infraction, soulignant l’importance de clarifier la notion de consentement.

L’Avis du Conseil d’État et Perspectives

Le Conseil d’État a émis un avis favorable à la proposition de loi, soulignant qu’elle consolide les avancées de la jurisprudence sans instaurer de présomption de culpabilité. La charge de la preuve demeure inchangée, préservant ainsi les principes fondamentaux du droit pénal. Le Conseil d’État a également suggéré des modifications rédactionnelles pour améliorer la clarté du texte.

Cette proposition de loi représente une avancée significative dans la lutte contre les violences sexuelles en France. En intégrant la notion de consentement dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, elle vise à mieux protéger les victimes et à garantir une justice plus équitable. Cependant, des actions concrètes et immédiates restent nécessaires pour améliorer tangiblement la situation des victimes, telles que la généralisation du dépôt de plainte à l’hôpital et la création de maisons des femmes dans chaque département. Cette approche équilibrée permet de renforcer la protection des victimes tout en garantissant les droits de la défense.