MISSION D’INFORMATION CORONAVIRUS

Audition des organisations patronales : MEDEF, U2P et CPME en date du 20 mai 2020

 

Le 17 mars dernier, la Conférence des Présidents a décidé de la création d’une mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’impact, la gestion, et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-COVID19. Cette mission transversale et à durée indéterminée, au sein de laquelle l’ensemble des groupes politiques et des commissions permanentes seront représentés, permettra à la représentation nationale d’assurer un suivi rapproché et dans le temps de l’épidémie et ses conséquences. Elle pourra effectuer toutes recommandations qu’elle jugera utiles afin de tirer les enseignements de cette situation.

 

Compte-rendu des échanges

Plan de soutien

Les trois organisations patronales auditionnées ont salué le plan de soutien mis en place par le gouvernement pour aider les entreprises à faire face à la crise.

Le Medef a souligné l’importance de l’euro dans le cadre de la crise, précisant que sans cette monnaie commune, nous aurions dû faire face à des problématiques de dévaluations de monnaie.
L’U2P estime que les outils mis en place étaient adaptés et indispensables, mais que les conditions d’accès de certains dispositifs excluent les indépendants. Il évoque le fonds de solidarité, dont la deuxième tranche relevant des régions n’est ouverte qu’aux entreprises ayant des salariés. Or, la moitié des indépendants n’ont pas de salarié et ne peuvent donc pas bénéficier des 5 000€ d’aide. Ils ont par la suite eu accès à cette deuxième tranche mais uniquement dans le cas où le prêt garanti par l’État leur était refusé.

S’agissant du dispositif d’exonération de cotisations sociales pour les entreprises de moins de 10 salariés, les trois organisations syndicales regrettent que ce dispositif soit limité aux entreprises ayant fait l’objet d’une fermeture administrative et qu’il ne soit pas ouvert à des entreprises connexes ayant réalisé 0€ de CA. Ils prennent ainsi pour exemple les photographes ou les traiteurs. Ces activités n’ont pas fait l’objet de fermeture administrative mais dépendent d’activité qui ont été interdites comme les mariages et rassemblements. L’U2P demande également une précision sur les charges sociales concernées par cette exonération.

 

Dispositif de chômage partiel

Le gouvernement a annoncé le maintien du dispositif actuel du chômage partiel jusqu’au 1er juin. A compter de cette date, la prise en charge par l’État sera dégressive. Les secteurs du tourisme pourront cependant bénéficier du dispositif jusqu’à la fin de l’année.

Les trois organisations syndicales sont opposées au changement du dispositif à compter du 1er juin et demandent un maintien du dispositif actuel jusqu’au mois de septembre afin d’éviter des licenciements.

Sur le maintien du dispositif, l’U2P comme le Medef déconseillent une approche par secteur, rappelant que les activités économiques sont de plus en plus connexes.
Le Medef propose une mesure alternative au chômage partiel comme le partage du travail entre les entreprises, permettant de mutualiser les coûts et d’éviter des licenciements.

 

Prêts garantis par l’État

Sur le remboursement des PGE, les entreprises n’auront pas de remboursement à effectuer pendant la première année, puis le remboursement sera étalé sur 3 ans.

Les trois organisations alertent sur la capacité des 500 000 entreprises qui ont bénéficié des PGE à les rembourser. L’U2P s’interroge sur le maintien des taux du prêt après la première année, malgré l’engagement des banques à ne pas les augmenter. Le Medef invite à imaginer un mécanisme de substitution par l’État pour assurer aux banques un remboursement. La CPME propose de transférer une partie ou la totalité des garanties de ces prêts aux régions.

 

Sur l’apprentissage

Les trois organisations ont attiré l’attention des membres de la MI sur l’apprentissage et le risque d’une baisse massive après la crise.

L’U2P craint une disparition de l’apprentissage en cas d’absence de mesures rapides et fortes. Dans ce cadre, Alan Griset alerte sur 3 problématiques et formule des propositions :
• Revoir le financement des centres de formation : la loi relative à la formation et à l’apprentissage a modifié le financement des CFA. Désormais, le financement dépend du nombre d’apprentis inscrit au centre. Or, avec la crise économique, les entreprises risquent d’avoir moins recours aux apprentis. L’U2P demande donc que l’équilibre budgétaire des CFA soit assuré.
• Sécuriser les jeunes en apprentissage : augmenter la période pendant laquelle le CFA peut accepter un jeune en formation sans maître d’apprentissage.
• Inciter les entreprises à avoir recours aux apprentis : prévoir que pendant une durée de 1 an, l’accueil d’un apprenti par une entreprise n’aura aucun coût pour cette dernière. Cette proposition est également portée par la CPME. Le Medef formule une proposition alternative à savoir l’augmentation de la prime à l’embauche d’un appentis à hauteur de 10 000€ (au lieu de 4 000€).
• Enfin, pour les apprentis arrivant en fin de cycle de formation, la CPME propose de mettre en place une année d’alternance supplémentaire avec une mention spécifique sur le diplôme. Cette mesure permettrait d’éviter aux jeunes diplômés de se retrouver sans emploi (les entreprises risquent de ne pas embaucher massivement à l’issue de la crise) tout en continuant de se perfectionner.

 

Plan de relance

Les trois organisations patronales insistent sur la nécessité de mesures rapides, avant l’été, pour engager la relance. Ils relèvent en effet que les entreprises préparent la rentrée dès l’été et qu’elles ont besoin de visibilité. Elles proposent une relance en deux temps : un premier temps avant l’été visant à relancer la demande (rappelant que les Français ont épargné près de 60 milliards d’euros pendant la crise) et un deuxième temps en septembre portant sur l’investissement.
Elles alertent également sur les surcoûts pesant sur les entreprises dans le cadre de la crise : les coûts directs induits par l’achat de matériel pour la protection des salariés, mais également indirects puisque les mesures sanitaires ont des effets sur la productivité de l’entreprise.

Le Medef propose un plan de relance structurel en septembre avec des mesures fiscales et sociales et une dominante verte. Geoffroy Roux de Bézieux interroge sur la durée de ces mesures dans le temps et prône pour un maintien à long terme. Il pose également la question du temps de travail, rappelant qu’une partie des entreprises vont faire face à une faiblesse de la demande, alors qu’une autre devra soit rattraper le retard induit par la crise, soit faire face à une baisse de la productivité du fait des mesures sanitaires.

En ce qui concerne la relance écologique, le Medef rappelle qu’une production décarbonnée a un coût sur le prix d’achat des consommateurs. Afin d’assurer une concurrence loyale avec les entreprises européennes et internationales, il demande la mise en place d’une taxe carbone aux frontières afin d’assurer un équilibrage sur les prix.

La CPME travaille activement sur un plan de relance autour de deux objectifs : cibler les secteurs à fort taux de main d’œuvre et privilégier un investissement rentable permettant de faire des économies dans le long terme. Il donne à ce titre l’exemple d’un grand plan de rénovation énergétique qui permettra de faire travailler les entreprises locales, de participer à la transition écologique et de faire des économies d’énergie. Au-delà, la CPME prône également des plans sectoriels comme pour l’automobile ou l’aéronautique. Enfin, François Asselin propose que l’État et la sécurité sociale renoncent à leur place de créanciers prioritaires en cas de cessation de paiement de la part d’une entreprise, afin que les fournisseurs puissent s’assurer d’être rémunérés.

Sur la question d’une TVA réduite dans le domaine de la restauration, le Medef y est favorable mais l’U2P considère que cette mesure ne serait ni adaptée ni cohérente. Selon Alain Griset, une baisse de TVA permet de réduire les prix et donc d’attirer la clientèle. Or les restaurateurs vont être confrontés à la baisse du nombre de clients du fait des mesures barrières.

 

Santé au travail

Un décret en date du 19 mai 2020 ajoute aux attributions du Secrétaire d’État Laurent Pietraszewski la protection de la santé des salariés contre le covid-19.

L’U2P et la CPME portent un regard très négatif sur la législation en vigueur en matière de santé au travail, d’autant plus après la crise. L’U2P relève que les entreprises étaient déjà hostiles aux services de santé au travail jugeant le prix trop élevé par rapport aux services rendus. Cette hostilité s’est aggravée après la crise, ces services ayant « été totalement absents » à leurs yeux. La CPME partage ce constat relevant que d’après une étude interne, 86% des sondés déclarent ne pas avoir été contactés par les services de santé au travail pendant la pandémie.

Les trois organisations sont favorables à l’engagement de négociations sur le sujet, le Medef demandant au Parlement de laisser du temps à la démocratie sociale avant de s’emparer du sujet.