Loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols
Ministre au banc : Christophe BECHU, Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires | Commission saisie au fond : Commission des Affaires économiques et Commission saisie pour avis et déléguée au fond : Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire | Responsables de texte HORIZONS : Luc LAMIRAULT (Aff Eco) et Vincent THIEBAUT (DDAT)
La proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols a été déposée le 14 décembre 2022.
Examinée et adoptée au Sénat au mois de mars 2023, la proposition de loi est mise à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale. Elle a été examinée en commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire le 13 juin, et en commission des Affaires économiques, où elle a été adoptée, le 14 juin. Le texte sera examiné en séance publique à partir du 21 juin.
Aussi, le groupe Horizons et apparentés soutient pleinement les adaptations prévues par la présente proposition de loi, permettant de faciliter l’application du « zéro artificialisation nette » dans nos territoires, tout en maintenant le haut niveau d’ambition défendu par cette majorité dans la loi Climat-Résilience.
Lire le dossier sur la ZAN par le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
De quoi parle-t-on ?
La proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols permet d’affiner et d’améliorer plusieurs dispositions issues de la loi Climat-Résilience.
C’est par exemple le cas en ce qui concerne la comptabilisation des efforts de renaturation dès la décennie 2021-2031, qui constitue un très bon signal pour inciter les collectivités à accélérer leur politique de végétalisation dès à présent.
Certains articles du texte de loi initial font l’objet d’une mise en œuvre par voie réglementaire : conformément à l’engagement pris par le Ministre Christophe Béchu, deux projets de décrets ont été présentés le 13 juin, portant sur la nomenclature du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) et sur sa mise en œuvre via les SRADDET.
Une carte intéressante par commune ou par EPCI source Observatoire de l’artificialisation : ICI
Répondre aux inquiétudes des collectivités territoriales
Ceux-ci permettent de réelles avancées pour répondre aux inquiétudes des collectivités territoriales, notamment en assurant que soient pris en compte les efforts passés réalisés par les communes en matière de réduction du rythme de l’artificialisation des sols.
Il aurait en effet été tout à fait injuste que celles-ci se voient confrontées à une trajectoire plus exigeante pour la seule raison qu’elles aient effectivement été soucieuses de peu artificialiser leurs sols au cours des années passées.
Le Sénat et l’Assemblée nationale améliorent la loi
Objectif de la proposition de loi sénatoriale initiale
La mise en œuvre concrète des objectifs de « zéro artificialisation nette » (ZAN) soulève plusieurs interrogations ou difficultés dans les territoires, que les sénateurs cherchent à corriger.
La présente proposition de loi se base sur les conclusions d’une mission sénatoriale conduite entre octobre et décembre 2022.
Les travaux de la mission se sont concentrés sur le volet relatif aux règles de l’urbanisme et à l’architecte globale du ZAN.
Les sujets de financement et de fiscalité, qui seront essentiels pour la réussite de la politique de lutte contre l’artificialisation des sols, devront être traités ultérieurement.
- Augmentation d’un an du délai donné aux collectivités pour modifier leurs documents de planification et d’urbanisme afin de tenir la trajectoire du ZAN ;
- Flexibilité donnée dans la déclinaison territoriale de l’objectif régional ;
- Création d’une « enveloppe » nationale et régionale pour certains projets d’envergure leur permettant de ne pas être comptabilisés dans l’artificialisation des sols ;
- Intégration des efforts passés en matière d’artificialisation des sols afin que la trajectoire à venir valorise lesdits efforts ;
- Création d’une « garantie rurale » consistant en un droit minimal à artificialiser 1 ha par commune ;
- Assouplissement de la nomenclature de l’artificialisation des sols ;
- Adaptation du ZAN aux espaces littoraux en raison du recul du trait de côte ;
- Création d’un « sursis à statuer ZAN » et d’un « droit de préemption ZAN » pour les communes ;
- Retarder la comptabilisation de l’artificialisation en affectant les projets décidés avant 2021 mais non sortis de terre à la décennie 2011-2021 ;
- Comptabilisation des efforts de renaturation dès 2021 et non à partir de 2031 ;
Examen du texte à l’Assemblée nationale
Compte tenu de la sensibilité de certaines dispositions et du temps limité dédié à l’examen de la présente proposition de loi, le Gouvernement s’est engagé auprès du Parlement à décliner certains articles du texte par voie de décret.
L’examen du texte en commission à l’Assemblée nationale a ainsi donné lieu à la suppression de plusieurs articles :
- Les articles 2, 5, 6 et 8 feront l’objet du décret dit « SRADDET »
- les articles 9 et 11 feront l’objet du décret dit « Nomenclature »
- l’article 12 bis est quant à lui renvoyé à une instruction technique en vue d’un décret.
Le ministère de la Transition écologique a mis en consultation publique, du 13 juin au 4 juillet, les deux projets de décrets, présentés comme des « ajustements » et « compléments » aux décrets du 29 avril 2022 pris en application de la loi Climat-Résilience.
Le décret relatif aux objectifs de gestion économe de l’espace dans les SRADDET vise à :
- Prendre en compte les efforts passés déjà réalisés de lutte contre l’artificialisation ;
- Prendre en compte les spécificités locales (communes littorales ou de montagne) ;
- Supprimer l’obligation de fixer une cible chiffrée d’artificialisation à l’échelle infrarégionale ;
- Garantir aux communes rurales une surface minimale de développement ;
- Adapter la faculté de mutualisation de l’artificialisation de certains projets régionaux ;
- Préciser que les mesures mises en place pour les SRADDET sont également mobilisables en tant que de besoin pour la fixation et le suivi des objectifs dans le SDRIF, les SAR et le PADDUC.
Le décret relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols vise à :
Définir comme surfaces artificialisées :
- les surfaces dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites ;
- les surfaces végétalisées herbacées et qui sont à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d’infrastructures ;
- le projet de décret clarifie que les surfaces entrant dans ces catégories, qui sont en chantier ou à l’abandon, sont également considérées comme artificialisées.
Définir comme surfaces non artificialisées :
- les surfaces qui sont soit naturelles, nues ou couvertes d’eau, soit végétalisées, constituant un habitat naturel ou utilisées à usage de cultures, y compris les surfaces d’agriculture urbaine et les surfaces boisées ou arbustives dans l’espace urbain ;
- le projet de décret confirme que les surfaces à usage de culture agricole, et qui sont en friches, sont bien qualifiées comme étant non artificialisées. Il dissocie par ailleurs les surfaces à usage agricole de celles végétalisées à usage sylvicole pour une mesure plus fine de ces types de surfaces.
- Les surfaces végétalisées à usage de parc ou jardin public, quel que soit le type de couvert (boisé ou herbacé) pourront être considérées comme étant non artificialisées, valorisant ainsi ces espaces de nature en ville. Il en sera de même pour les surfaces végétalisées sur lesquelles seront implantées des installations de panneaux photovoltaïques qui respectent des conditions techniques garantissant qu’elles n’affectent pas durablement les fonctions écologiques du sol ainsi que son potentiel agronomique.
Les avancées pour les collectivités
La qualification des surfaces
Sont intégrés les seuils de référence à partir desquels pourront être qualifiées les surfaces (50 m² pour le bâti et 2 500 m² pour les autres catégories de surface ; 5 mètres de large pour les infrastructures linéaires et au moins 25% de boisement d’une surface végétalisée pour qu’elle ne soit pas seulement considérée comme herbacée).
Cette nomenclature ne s’applique pas pour les objectifs de la première tranche de 10 ans : de 2021 à 2031, les objectifs porteront uniquement sur la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (entendue comme la création ou l’extension effective d’espace urbanisé).
Cette nomenclature n’a pas non plus vocation à s’appliquer au niveau d’un projet, pour lequel l’artificialisation induite est appréciée directement au regard de l’altération durable des fonctions écologiques ainsi que du potentiel agronomique du sol.
Des précisions pour le rapport tri-annuel
La loi Climat-Résilience a introduit une obligation pour que les communes ou les EPCI compétents, dès lors que leur territoire est couvert par un document d’urbanisme, d’établir un rapport tous les 3 ans sur le rythme de l’artificialisation des sols.
Le décret précise les indicateurs et les données devant y figurer. L’élaboration du rapport s’appuie sur des données mesurables et accessibles, que possèdent les communes ou EPCI, ou qui leur seront mises à disposition par l’Etat à travers un observatoire national de l’artificialisation des sols.
Dès lors que les collectivités disposent d’un observatoire local, elles peuvent le mobiliser en ce sens. Une disposition transitoire est prévue pour les indicateurs que les communes ou EPCI ne pourraient pas être en mesure de remplir, en l’absence de données durant les prochaines années.
A l’issue de l’examen en commission du texte à l’Assemblée nationale, les principales modifications sont les suivantes :
- Suppression des articles 2, 5, 6, 8, 9, 11 et 12 bis ;
- Réduction à 6 mois du délai supplémentaire donné aux collectivités pour modifier leurs documents de planification et d’urbanisme afin de tenir la trajectoire du ZAN (art. 1ER) ;
- Modification de la composition de la conférence régionale de gouvernance du ZAN (art. 3) ;
- Adoption d’une liste plus précise et plus proportionnée des projets d’envergure relevant de l’« enveloppe » nationale, leur permettant d’être imputés au titre de l’artificialisation des sols selon une péréquation régionale (art. 4) ;
- Possibilité de faire bénéficier la « garantie rurale », droit minimal à artificialiser 1 ha par commune, à l’échelle intercommunale à la demande des maires concernés (art. 7) ;
- Suppression, dans les espaces littoraux, de la double exonération du ZAN (renaturation en raison du recul du trait de côte et non comptabilisation de l’artificialisation des projets de relocalisation) au profit d’une seule exonération (renaturation) (art. 10) ;
Chiffres clés et état actuel du droit
En France, entre 6 et 9 % du territoire environ est considéré comme artificialisé, c’est-à-dire que ces sols ont connu, en raison d’activités humaines, une altération de leurs fonctions naturelles.
Entre 20 000 et 30 000 hectares (ha) ont été artificialisés en moyenne chaque année au cours de la dernière décennie, principalement au détriment de surface agricoles, et au profit de surfaces consacrées à l’habitat.
La décennie 2010-2020 a marqué une diminution progressive des surfaces artificialisées, passant d’environ 31 000 ha à 20 000 ha annuels environ. Le rythme de consommation de 20 000 ha d’espaces naturels, agricoles ou forestiers correspond à l’artificialisation de 5 terrains de football par heure. Tous les territoires sont concernés : en particulier 61 % de la consommation d’espaces est constatée dans des territoires sans tension immobilière.
A un niveau national, les opérations de moins de 8 logements / ha sont responsables de 51 % de la consommation d’espaces (dont 30 % pour les opérations de moins de 5 logements / ha) pour une production de logements modérée (19 % du total).
Les externalités négatives sont écologiques (érosion de la biodiversité, aggravation du risque de ruissellement, limitation du stockage carbone) mais aussi socioéconomiques (coûts des équipements publics, augmentation des temps de déplacement et de la facture énergétique des ménages, dévitalisation des territoires en déprise, diminution du potentiel de production agricole etc.).
Un objectif à horizon 2050
La France s’est fixé l’objectif d’atteindre le « zéro artificialisation nette des sols » en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers sur la période 2021-2031. La loi Climat-Résilience a ainsi fixé cet objectif aux collectivités territoriales : chaque Région devra le transposer, par le biais de son document de planification (SRADDET, SAR, SDRIF, PADDUC).
Le rôle de chaque Région
Les Régions se voient également confier la tâche de « territorialiser » cet objectif de -50 %, c’est-à-dire de répartir et d’adapter l’effort de réduction entre les différentes zones de son périmètre régional, par la modification de leurs documents de planification, d’ici février 2024.
En cascade, les documents d’urbanisme territoriaux et locaux, c’est-à-dire les schémas de cohérence territoriale (SCoT), plans locaux d’urbanisme (PLU) et cartes communales, devront à leur tour décliner ces objectifs régionaux, par lien de compatibilité, afin de fixer des objectifs à chaque commune, EPCI ou groupement d’EPCI, d’ici 2026 et 2027.
Des soutiens – une densité optimisée
La déclinaison de cette trajectoire progressive doit donc faire l’objet d’une planification globale, avec un soutien aux politiques de renaturation ou de réhabilitation des friches, de densification de l’habitat, ou encore de construction durable, en particulier dans les territoires où l’offre de logements et de surfaces économiques est insuffisante au regard de la demande.
De nouveaux modèles d’aménagement durable sont à réinventer, en conjuguant sobriété et qualité urbaine.
Par ailleurs, l’Etat agrégera et transmettra des données utiles en matière d’artificialisation des sols aux collectivités, simplifiant ainsi les choses pour celles d’entre elles qui ne disposent pas de grands moyens ou de l’ingénierie suffisante.
La priorité est de transformer la ville existante, en revitalisant les cœurs des petites et moyennes centralités, en recyclant les 170 000 ha de friches en France, en mobilisant les 1,1 millions de logements vacants, et en révélant le potentiel des périphéries urbaines déqualifiées.
La densité peut être optimisée, pour faciliter l’accessibilité aux services et activités, tout en améliorant le cadre de vie de nos concitoyens, notamment en renforçant la présence de la nature en ville.
Pour accompagner les territoires à s’engager en faveur de la sobriété foncière, plusieurs aides sont déployées, que ce soit à travers le renforcement de l’ingénierie territoriale, l’encouragement à la contractualisation ou la mobilisation de leviers fiscaux ou budgétaires, en particulier le « Fonds vert » doté de 2 Md€ dès 2023.
La lutte contre l’artificialisation des sols est désormais bien identifiée, au niveau tant européen que français, comme un enjeu prioritaire pour la préservation de l’environnement et de la biodiversité. Il est primordial de préserver les sols, au vu de leur rôle dans le cycle de l’eau, en tant qu’habitat écologique, afin de lutter plus efficacement contre les îlots de chaleur dans les espaces urbains, ou encore au regard de leur importance pour l’autonomie alimentaire du pays.