Opticiens-lunetiers, masseurs-kinésithérapeutes, infirmiers de pratique avancées, assistants en médecine bucco-dentaire, orthophonistes, …
L’Essentiel
Cette proposition de loi, présentée par la Rapporteure générale de la Commission des affaires sociales, et le Groupe Renaissance, co signée par le Groupe HORIZONS sera examinée lors de la semaine de l’Assemblée du 16 janvier 2023. Elle a pour objet d’étendre l’accès aux professions de santé intermédiaires sur le territoire.
Ce texte permet ainsi l’ouverture à l’accès direct des infirmiers de pratique avancée (IPA), c’est-à-dire sans l’ordonnance d’un médecin (article 1). Cet article ouvre également la primo-prescription aux IPA et créé 2 deux types d’IPA : les IPA spécialisés et les IPA praticiens.
Le texte permet également d’ouvrir l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes (article 2) et aux orthophonistes (article 3) travaillant dans une structure d’exercice coordonné.
Il créé la profession d’assistant en médecine bucco-dentaire (article 4).
Enfin, introduit en Commission, l’article 4bis fixe un ratio concernant l’emploi d’assistants dentaires par les chirurgiens-dentistes ou médecins et concernant l’emploi d’assistants médicaux par les ophtalmologistes dans les centres de santé.
Objectifs de cette proposition de loi
- Accélérer le décloisonnement du système de santé ;
- Améliorer le partage de compétence et l’exercice coordonné ;
- améliorer l’attractivité des métiers paramédicaux ;
- Renforcer l’accès aux soins de premier recours.
Impacts
La pratique avancée permet à des professionnels paramédicaux (par exemple, les infirmiers) d’exercer des missions et des compétences plus poussés, jusque-là dévolues aux seuls médecins. C’est un nouveau métier, à la frontière entre médecin et paramédical, c’est ce que l’on nomme une « profession intermédiaire ».
Très courant dans les pays anglo-saxons notamment, la pratique avancée doit permettre de libérer du temps médical aux médecins et mieux prendre en charge les patients, leur permettant un accès aux soins primaires facilité, en supprimant le passage par le médecin pour accéder à certains professionnels.
L’augmentation du recours aux professionnels concernés et le nombre d’actes liés devrait créer une charge à pour la sécurité sociale, quand parallèlement l’activité des médecins ne devrait pas diminuer. En revanche, un meilleur accès aux soins, une meilleure prise en charge des patients et plus tôt, est susceptible de diminuer les soins pris en charge au global et améliorer l’état de santé de la population.
Cette proposition de loi soulève le problème de la capacité de formation à ces nouveaux métiers et de leur attractivité de ces professions avancées. Elles doivent être valorisées dans les actes à hauteur de leur formation supplémentaire et les professions médicales doivent participer à encourager leur pratique. L’exemple des IPA illustre cette problématique, les diplômés sont peu nombreux et exercent principalement à l’hôpital, quand en ville, la rémunération d’infirmier est davantage lucrative que celle d’un IPA.
Les amendements du groupe Horizons
En vue de l’examen en Séance publique, le groupe HORIZONS & apparentés a déposé 5 amendements :
- Introduction de la notion d’une responsabilité collective de participation à la permanence des soins, tant en établissement de santé qu’en ville ;
- Autoriser les opticiens-lunetiers à adapter une ordonnance de lunettes, afin d’éviter les délais d’attente d’un nouveau rendez-vous médical.
- Élargir la possibilité de prendre en charge directement des patients aux masseurs-kinésithérapeutes exerçant dans les établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés ainsi que dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux.
- Élargir la possibilité de prendre en charge directement des patients aux infirmiers de pratique avancées exerçant dans les établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés ainsi que dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux.
- Conditionner la mise en œuvre de l’accès-direct des 3 professions concernées par ce projet de loi en CPTS, à l’inscription d’un volet dédié dans le projet de santé de celles-ci.
1ère lecture – ASSEMBLEE NATIONALE Commission
La proposition de loi a été adoptée, modifié par 10 amendements, soutenue par l’ensemble de la majorité. Plusieurs amendements ont été retirés en vue d’une réécriture pour la séance publique.
Les députés ont été nombreux à se mobiliser auprès de la Commission pour contester les irrecevabilités des amendements (plus de la moitié). Parmi les amendements déposés par le groupe, 5 ont pu être discutés.
Analyse des articles
ARTICLE 1er – Accès direct aux Infirmiers de pratique avancée
Droit existant & contexte
Profession créée par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé les Infirmiers de pratiques avancées (IPA), sont des infirmiers qui peuvent exercer des missions et des compétences plus poussés, jusque-là dévolues aux seuls médecins. Les compétences et les domaines d’intervention des IPA sont définies par décret, après consultation des représentants des professions concernées.
La formation, d’une durée de 2 ans (soit 5 ans au total – grade Master) après au moins 3 ans d’exercice, est mise en place depuis septembre 2017 et la première promotion d’IPA a été diplômée en 2019.
Les IPA peuvent exercer à l’hôpital ou en ville au sein d’équipes coordonnées et sont habilités à renouveler un traitement prescrit par un médecin. La facturation des visites fonctionne au forfait, par trimestre et ne sont pas limitées : 1er trimestre 58 € et 32 € pour les autres. Les prix sont révisés chaque année.
Entre 2019 et 2021, 935 IPA ont été formés et seraient 1425 en mars 2022. Le Gouvernement affiche l’objectif de 5000 IPA formés en 2024.
La consultation d’un IPA aujourd’hui se fait par adressage d’un médecin, donc sur ordonnance médicale. Le PLFSS pour 2023 comporte une disposition qui expérimente « l’accès direct », donc la possibilité pour le patient d’accéder, sans passer par le médecin, un IPA.
Le texte prévoit :
- La généralisation de l’accès direct aux IPA pour les patients, c’est-à-dire sans ordonnance d’un médecin qui les adresse.
- L’ouverture de la primo-prescription aux IPA, c’est-à-dire leur permettre l’amorce d’un traitement et plus uniquement le renouvellement, pour un certain nombre de prestations.
- La création de deux types d’IPA :
- ➢ Les IPA spécialisés ➢ Les IPA praticiens -> Leurs missions et périmètre de compétences seront définis par un décret, après concertations des représentants des professionnels. Il prévoit également la possibilité des infirmiers d’obtenir une VAE.
- Il prévoit également que le praticien réalise un bilan initial et un compte-rendu de soins, adressés au médecin traitant et reportés dans le dossier médical partagé et conventionne les actes effectués sans prescription.
1ère lecture – ASSEMBLEE NATIONALE Commission
L’article 1 a été adopté, modifié par 6 amendements rédactionnels de la rapporteure générale.
Concernant la mention des CPTS, dont le groupe Horizons, en commun avec de nombreux groupes, proposait la suppression de la mention dans les 3 premiers articles par amendement, la rapporteure s’est engagée à retravailler les dispositions en vue de la séance.
ARTICLE 2 – Accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes
Droit existant & contexte
En 2020, on dénombrait plus 90 000 masseurs-kinésithérapeutes en France. C’est une profession réglementée, accessible après un concours, avec un diplôme d’Etat (5 ans – grade Master) et un Ordre.
Aujourd’hui le patient peut consulter un kinésithérapeute uniquement sur adressage par un médecin.
L’article 2 du texte permet d’ouvrir l’accès direct des patients aux masseurs-kinésithérapeutes travaillant dans une structure d’exercice coordonné*, c’est-à-dire sans prescription du médecin (* = les maisons de santé (MSP) et les centres de santé (CdS), structures sanitaires de premier recours et le cas échéant de second recours, exerçant de façon cordonnée sur la base d’un projet de santé).
Il prévoit également que le praticien réalise un bilan initial et un compte-rendu de soins, adressés au médecin traitant et reportés dans le dossier médical partagé et conventionne les actes effectués sans prescription.
1ère lecture – ASSEMBLEE NATIONALE Commission
L’article 2 a été adopté, modifié par 5 amendements :
- Un amendement de la Rapporteure générale, précisant que le masseur-kinésithérapeute prend paritairement en charge le patient atteint d’une affection longue durée ;
- Un amendement du groupe GDR, qui permet au patient de disposer du bilan et du compte-rendu des soins réalisés par le masseur-kinésithérapeute dans le cadre d’un accès direct.
- Un amendement de REN, qui conditionne la prise en charge des actes réalisés en accès direct par le masseur-kinésithérapeute au versement de l’information dans Mon espace santé.
- Un amendement LR, qui propose que le bilan de kinésithérapie et la synthèse des soins produgués versés par le masseur-kiné au dossier médical partagé du patient soient également remis systématiquement au patient.
- Un amendement de la Rapporteure générale, qui prévoit que les masseurs-kinés reçoivent dans les mêmes délais les patients reçus avec ou sans prescription médicale.
L’amendement de groupe visant à expérimenter le statut de masseur-kinésithérapeute, a été retiré au profit d’un travail de réécriture en vue de la séance.
ARTICLE 3 – Accès direct aux orthophonistes
Droit existant & contexte
En janvier 2019, on dénombre 25 607 orthophonistes en France, dont 20 787 libéraux ou mixtes, 1 876 hospitaliers et 2 868 autres salariés.
L’orthophoniste est un professionnel de santé et doit être titulaire du certificat de capacité d’orthophoniste (5 ans – grade master) dans un centre de formation rattaché à une UFR de médecine.
L’orthophoniste est spécialisé dans la correction des troubles de la parole et du langage, en particulier chez les enfants. La consultation d’un orthophoniste est soumise à prescription médicale.
L’article 3 du texte permet d’ouvrir l’accès direct des patients aux orthophonistes travaillant dans une structure d’exercice coordonné, c’est-à-dire sans prescription du médecin.
Il prévoit également que le praticien réalise un bilan initial et un compte-rendu de soins, adressés au médecin traitant et reportés dans le dossier médical partagé et conventionne les actes effectués sans prescription.
1ère lecture – ASSEMBLÉE NATIONALE Commission
L’article 3 a été adopté, modifié par 2 amendements :
-
Un premier du groupe GDR, visant à permettre que le patient dispose du bilan et des compte-rendu des soins réalisés par l’orthophoniste dans le cadre d’un accès direct.
-
Un amendement du groupe REN, qui propose de conditionner la prise en charge des actes réalisés en accès direct par l’orthophoniste au versement de l’information dans Mon Espace Santé.
ARTICLE 4 – Création du métier d’assistant en médecine bucco-dentaire
Droit existant & contexte
Aujourd’hui l’assistant dentaire remplit une double fonction : secrétariat et gestion du cabinet dentaire ; aide technique et matérielle au chirurgien-dentiste lors des interventions. Au 1er janvier 2021, on dénombre 43 134 chirurgiens-dentistes et environ 20 000 assistants dentaires.
Formation : 18 mois en contrat de professionnalisation pour préparer le titre d’assistant dentaire, obligatoire pour exercer. Accessible dès 18 ans, avec un CAP, mais le bac est conseillé.
Il n’existe pas de profession intermédiaire entre le chirurgien-dentiste, médecin et les assistants dentaires.
Le texte permet à cette profession d’exercer en pratiques avancées, comme « assistant en médecine buccodentaire » (AMDB). Un décret pris après consultation des professions concernées, viendra préciser les compétences et les modalités d’accès de cette profession.
L’AMDB sera toujours placée sous le contrôle et la responsabilité du chirurgien-dentiste qui sera seul habilité à prescrire. Elle ne pourra travailler que sur des dents saines. L’objectif est de permettre aux dentistes de déléguer certaines de leurs tâches.
1ère lecture – ASSEMBLEE NATIONALE Commission
L’article 4 a été adopté, sans modifications.
ARTICLE 4 bis (nouveau)
1ère lecture – ASSEMBLEE NATIONALE Commission
L’article 4bis a été introduit, par amendement de la rapporteure, fixant un ratio concernant l’emploi d’assistants dentaires par les chirurgiens-dentistes ou médecins et concernant l’emploi d’assistants médicaux par les ophtalmologistes dans les centres de santé.
ARTICLE 5
Gage de la proposition de loi
La proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé a pour ambition de répondre à l’enjeu de l’accès aux soins en France, en grande tension médicale, 87% du territoire étant considéré comme zone « sous-dotée ».
En permettant d’une part l’accès direct à 3 professions paramédicales et d’autre part en créant une nouvelle profession intermédiaire en médecine dentaire, cette proposition de loi concoure nettement à cet objectif.
Très courant dans les pays anglo-saxons notamment, la pratique avancée doit libérer du temps médical aux médecins et mieux prendre en charge les patients, leur permettant un accès aux soins primaires facilité. C’est un véritable changement de paradigme qu’il faut opérer dans les compétences allouées aux paramédicaux, qui sont une des clés pour lutter contre les déserts médicaux.
Un patient pourra donc désormais, sans prescription médicale et donc sans consultation préalable, être remboursé de ses soins en allant consulter un kinésithérapeute ou un orthophoniste.
C’est autant de temps médical libéré pour les médecins, pour prendre en charge patients urgents ou cas pathologiques. La sécurité des soins est assurée par l’information systématique du médecin traitant, par la communication des bilans et comptes-rendus de séances.
Dans cette même perspective, la création d’une nouvelle profession, les assistants en médecine buccodentaire, permettra aux chirurgiens-dentistes de déléguer des tâches et libérer de leur temps pour les actes complexes.
Un meilleur accès aux soins pour tous passe par une meilleure répartition des professionnels sur le territoire, et le groupe Horizons et apparentés a formulé ses propositions en ce sens, mais également par une meilleure répartition des tâches entre les professionnels. Cette proposition de loi va en ce sens et c’est pourquoi, le groupe Horizons et apparentés la soutiendra.