Ce mardi 29 avril, nous avons voté, à l’Assemblée nationale, l’adoption définitive de la proposition de loi pour lutter contre le Narcotrafic. Près de 1 000 amendements avaient été déposés. Ce texte des sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain traduit sur le plan législatif les recommandations du rapport qu’ils ont présentées en mai 2024 en conclusion de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France. Il contient une série de mesures pour mieux lutter contre le trafic de drogue dont la croissance est exponentielle et ses victimes toujours plus nombreuses.

Des chiffres alarmants :

  • 3,5 milliards d’euros : c’est l’estimation basse du chiffre d’affaires annuel du narcotrafic en France
  • 240 000 : c’est le nombre de personnes qui vivent directement ou indirectement du trafic de stupéfiants en France, dont 21 000 à temps plein ;
  • 315 : c’est le nombre de faits d’homicides liés au narcotrafic recensés en 2023, soit une hausse de 60 % par rapport à 2022.

Ces chiffres ne sont pas des simples statistiques ; ils sont une réalité tristement tangible pour des millions de nos concitoyens.

Une emprise territoriale qui s’étend

En 2025, le narcotrafic est toujours présent dans ses emprises malheureusement « historiques », en Seine-Saint-Denis et à Marseille notamment. Il s’est désormais étendu aux villes moyennes, ainsi qu’aux zones rurales. Nos outre-mer, en particulier les Antilles et la Guyane, ne font pas exception : ces territoires sont en première ligne de ces trafics, faisant office de lieux de transit. Ces narcotrafics, qui rendent de trop nombreux quartiers invivables, sont des atteintes intolérables à la sécurité de nos concitoyens. Ils peuvent également conduire certains de nos concitoyens à un constat inacceptable pour les autorités publiques : le sentiment d’être délaissés par l’État. Au-delà de cette extension géographique, les réseaux s’étendent numériquement, ayant obtenu une force de frappe décuplée grâce aux réseaux sociaux.

D’autre part, la violence liée à ces réseaux criminels s’est désinhibée : elle est de plus en plus forte, elle ne touche plus seulement les têtes de réseaux, mais aussi les délinquants de moyenne envergure et les « petites mains ». Les trafiquants ont recours à des méthodes de vente toujours plus agressives pour garder ou gagner des parts de marché.

Le besoin impératif d’une loi structurante

Alors que les pratiques criminelles se renouvellent et que les trafics de stupéfiants continuent leur expansion, la France n’a pas connu de loi structurante en la matière depuis 2004. La loi dite Perben II du 9 mars 2004 avait pourtant su innover, en introduisant notamment la conduite d’opérations d’infiltration des réseaux criminels par un officier ou un agent de police judiciaire spécialement habilité. Depuis, aucune initiative législative forte n’a permis de répondre à des enjeux en renouvellement constant.

Le « Plan stup’ » du Gouvernement d’Édouard Philippe : une réponse institutionnelle face à l’essor des narcotrafics

Pour autant, l’État n’est pas resté inactif face à la hausse des trafics de stupéfiants : le Gouvernement d’Edouard PHILIPPE avait ainsi fait usage de son pouvoir règlementaire dans le cadre du « Plan stup’ », présenté en septembre 2019 à Marseille. Ce plan a permis d’engager des évolutions institutionnelles importantes, visant à mieux coordonner la lutte contre les narcotrafics. Parmi ces mesures figurent la création de l’Office anti-stupéfiant (OFAST), afin de centraliser la lutte contre les trafics de drogues, ainsi que la généralisation des Cellules de Renseignement Opérationnel sur les Stupéfiants (CROSS) dans les grandes aires urbaines, pour améliorer le partage et l’analyse des informations au niveau local.  La présente proposition de loi vise d’ailleurs à pérenniser et renforcer les structures créées par ce plan.

Un appel à l’action législative

Le moment est donc venu pour que le législateur s’empare de ses prérogatives en matière pénale afin d’adapter notre cadre juridique et institutionnel aux évolutions des narcotrafics ainsi qu’aux attentes de nos concitoyens. Ces mesures devront également répondre aux difficultés rencontrées quotidiennement par les acteurs du système judiciaire et pénitentiaire, dont l’engagement sans faille n’est parfois pas suffisant face aux limites de notre système juridique. C’est l’objet de cette proposition de loi, que le Groupe Horizons & Indépendants soutient fermement et activement.

La contribution du Groupe HORIZONS

  1. Soutien à des mesures juridiquement solides Le Groupe Horizons s’est engagé à soutenir des mesures robustes sur le plan juridique. Cela inclut la suppression des dispositions contraires à la Constitution, comme le délit de procédure d’injonction pour richesse inexpliquée, qui violait le principe de présomption d’innocence et doublonnait avec le droit existant.

Dans cette logique, la question du dossier « coffre » a été soulevée. Bien que supprimé en commission, cet article a été réintroduit en séance publique avec une nouvelle rédaction conforme aux exigences constitutionnelles et conventionnelles. L’avis favorable du Conseil d’État a validé ces ajustements, garantissant des dispositifs solides face à une saisine éventuelle du Conseil constitutionnel ou une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

  1. Renforcer les outils pour les magistrats et forces de l’ordre Avec l’objectif de perfectionner les outils à disposition des professionnels du système judiciaire, le Groupe Horizons a proposé plusieurs amendements adoptés avec succès. Parmi eux :
  • La création d’une infraction autonome pour trafic de stupéfiants commis avec une arme, punie de 15 ans de réclusion criminelle.
  • Des amendements concernant les infrastructures portuaires pour lutter efficacement contre la corruption des agents des ports.

Ces propositions illustrent une volonté d’agir en profondeur et d’apporter des réponses concrètes aux défis du narcotrafic.

Un travail transpartisan pour des résultats judiciaires accrus

Ce travail transpartisan au sein de notre Assemblée a conduit à la création des quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Ces quartiers vont permettre de renforcer, en profondeur, l’étanchéité de l’incarcération de ces narcotrafiquants, de renforcer la sûreté de nos agents pénitentiaires ainsi que, plus généralement, d’accroître l‘efficacité de l’action judiciaire. Fait suffisamment rare pour être souligné, nous saluons l’adoption de l’article 23 quinquies à l’unanimité.

Nous nous félicitons que la commission mixte paritaire ait été conclusive. Nous saluons le fait que le travail conduit avec les sénateurs ait permis de conserver les mesures les plus structurantes de cette proposition de loi, en rétablissant par ailleurs certains dispositifs majeurs pour la lutte contre le blanchiment tels que la stricte interdiction du paiement des opérations afférentes à la location de véhicules automobiles en espèces. L’inclusion des principes de proportionnalité et de subsidiarité dans le recours au dossier coffre va enfin dans le bon sens : la nécessaire protection des techniques spéciales d’enquête et, surtout, des agents qui les posent, tout en apportant les garanties essentielles au respect des droits de la défense.

Toutefois il faut souligner la suppression de l’article 9 ter par la commission mixte paritaire : en visant à créer une infraction autonome en cas de trafic de stupéfiants commis avec une arme, punie de 15 ans de réclusion criminelle, ce dispositif aurait permis de sanctionner plus sévèrement ces comportements, envoyant ainsi un signal de fermeté à l’égard des narcotrafiquants qui font un usage croissant d’armes de guerre dans le cadre de leurs trafics.

Enfin, rappelons que la lutte contre les narcotrafics ne pourra atteindre les résultats escomptés si les moyens budgétaires accordés au système judiciaire ne lui permettent pas de mobiliser l’ensemble des outils à sa disposition.