Le « verrou de Bercy »

« Le verrou de Bercy » désigne le monopole qu’exerce le ministre du Budget sur les décisions de poursuites judiciaires en matière de fraude fiscale en France. Mis en place dans les années 1920, ce dispositif a souvent été questionné depuis 2012 et l’affaire Cahuzac.

Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale, qui comporte un aménagement du « verrou de Bercy » (amendement)  a été déposé par le Gouvernement dans le cadre d’une procédure accélérée au Sénat le 28 mars 2018. Il devrait revenir pour être discuté prochainement à l’Assemblée Nationale.

En quoi consiste concrètement ce « verrou » ? Quels sont les modifications apportées par le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale ?

Qu’est-ce que le « verrou de Bercy » ?

La fraude fiscale est l’action de contribuables qui cherchent volontairement à échapper à l’impôt en violant la loi fiscale. Outre les sanctions pécuniaires décidées par l’administration, la fraude fiscale est punie d’une amende de 500 000€ et d’un emprisonnement de cinq ans.

Cependant, les poursuites pénales ne peuvent être engagées qu’à l’initiative de l’administration fiscale, qui dépend du ministère du Budget, et uniquement sur avis favorable de la Commission des infractions fiscales (CIF). Ce monopole signifie qu’aucun procureur, même en cas de flagrant délit de fraude fiscale, ni aucune une partie civile ne peuvent enclencher le processus de dépôt de plainte et la poursuite judiciaire. C’est aussi ce qu’on appelle le « verrou de Bercy ».

Pourquoi le « verrou de Bercy » pose t-il problème ?

L’affaire Cahuzac a entraîné plusieurs réflexions autour du « verrou de Bercy » et permet d’en illustrer certaines limites. Avant sa démission, Jérôme Cahuzac, ministre du Budget en 2012, aurait été le seul à pouvoir décider de l’opportunité de poursuites contre lui-même pour fraude fiscale. C’est bien la procédure judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale et non pour fraude fiscale, indépendante du ministère des Finances, qui permet d’affirmer en 2013 que le ministre est bien détenteur d’un compte en Suisse et conduit à une mise en examen.

Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale

Fin mars 2018, le ministre de l’action et des comptes publics a présenté un projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. Celui-ci cible et renforce les sanctions à l’encontre des fraudeurs qui contreviennent délibérément aux principes fondamentaux d’égalité devant les charges publiques et de consentement à l’impôt.

Le projet de loi renforce les moyens de détection et de caractérisation de la fraude, en accentuant notamment l’intensification du partage des données à des fins de lutte contre la fraude fiscale, douanière et sociale. Il prévoit également des modalités précises de mise en œuvre de la transmission automatique des revenus générés par les utilisateurs des plateformes d’économie collaborative, qui entre en vigueur l’an prochain. Le texte renforce également les moyens de sanction de la fraude, en étendant la liste française des États et territoires non coopératifs (ETNC) à la liste européenne.

Le texte a été adopté en première lecture par le Sénat le 3 juillet 2018 et sera discuté prochainement à l’Assemblée Nationale. C’est au cours de la discussion de ce projet de loi que les sénateurs ont voté un amendement relatif à l’aménagement du « verrou de Bercy ».

Le gouvernement soutient l’évolution du « verrou de Bercy »

Début juillet, Le gouvernement par le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé face aux sénateurs que le gouvernement soutiendrait l’évolution du « verrou de Bercy » proposée par le rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier (LR). Depuis l’été 2017, les députés et sénateurs ont mené des travaux afin de trouver une alternative à ce « verrou », face à la pression croissante de l’opinion publique.

La proposition d’Albéric de Montgolfier, à laquelle Gérald Darmanin vient d’apporter son soutien, consiste à introduire trois critères dans la loi, qui entraîneraient obligatoirement le dépôt d’une plainte par l’administration : des pénalités de 80 % appliquées en cas de manœuvres frauduleuses, un montant de droits fraudés particulièrement élevé (le seuil serait fixé par décret en Conseil d’Etat), la réitération des infractions.

Pour aller plus loin, le dossier législatif ICI