Des objectifs, des principes et une doctrine

 

La dissuasion nucléaire française est strictement défensive, et son emploi restreint à des circonstances extrêmes de légitime défense.

Elle a pour objectif de garantir la survie, la liberté d’action, et l’indépendance de la Nation. Il s’agit d’abord de dissuader tout adversaire potentiel de s’en prendre à l’existence même de la France.

La liberté d’action de la France au niveau mondial est aussi garantie par son arsenal nucléaire, lui permettant d’intervenir militairement dans toute région du monde sans craindre de représailles nucléaire d’autres puissances.

Enfin, cette force de dissuasion permet à la France de garantir son indépendance stratégique au sein de ses alliances, tout en participant à leur renforcement global.

 

La doctrine nucléaire française repose sur trois principes

o La permanence : la dissuasion s’exerce de manière continue, même en temp de paix, et une frappe peut intervenir à tout moment ;

o La suffisance : les moyens de la dissuasion sont limités au strict nécessaire, ce qui implique des renoncements, notamment sur le développement de bombes à neutrons, les missiles sol-sol et les moyens antiforce ciblant les capacités nucléaires adverses ;

o La souplesse : la dissuasion doit s’adapter à des contextes géostratégiques et technologiques changeants, nécessitant des investissements pour s’assurer qu’une frappe nucléaire puisse pénétrer ou saturer les défenses antimissiles ou antiaériennes adverses.

La doctrine française se fonde sur trois notions clés…

…cristallisées lors des septennats de François Mitterrand : l’intérêt vital de la France, l’ultime avertissement et les dommages inacceptables. La protection de l’intérêt vital de la France justifie l’emploi de la force nucléaire en cas de menace sur le territoire, la population ou la souveraineté du pays.

Si notre pays devait se retrouver acculé, il peut faire usage d’une frappe nucléaire tactique, ultime avertissement avant l’usage d’armements stratégiques. Enfin, toute frappe doit être capable de causer des dommages inacceptables sur un territoire adverse, qui seraient supérieurs à l’enjeu du conflit.

Cette doctrine n’est pas figée dans le marbre, et peut être amenée à évoluer. Plus récemment, la dimension européenne de la force nucléaire française est de plus en plus assumée, la France pouvant considérer la liberté et l’existence de ses partenaires européens comme un « intérêt vital ».

Trois composantes : navale, aérienne et aéronavale

La France a un stock d’armes nucléaires estimé à 290 ogives. C’est moins que les Etats-Unis (5900), la Russie (5400) et la Chine (350), mais plus que le Royaume-Uni (225), le Pakistan (165), l’Inde (160) et Israël (90). Les capacités nucléaires françaises sont avant tout navales et aériennes, regroupées au sein de la force océanique stratégique (FOST), et les forces aériennes stratégiques (FAS), et la force aéronavale nucléaire (FANu). Des exercices réguliers sont organisés par ces forces afin de renforcer la crédibilité de la dissuasion.

Les forces aériennes stratégiques (FAS) : les Rafale et missiles ASMPA

  • Les forces aériennes stratégiques sont la composante aéroportée des forces nucléaire stratégiques, crée en 1964. Elles sont composées d’un état-major sur la base aérienne de Villacoublay, et d’un centre d’opération situé sur la base aérienne de Lyon-Mont Verdun. L’armée de l’Air et de l’Espace dispose aussi de trois bases aériennes à vocation nucléaire à Istres, Saint-Dizier et Avord.
  • Les bases regroupent le triptyque de la dissuasion nucléaire aérienne française : les avions Rafales pouvant transporter et lancer des missiles à tête nucléaire, les missiles ASMPA et le MRTT Phénix, avion de ravitaillement permettant au Rafale des vols de longue durée en tout point du globe.

La force océanique stratégique (FOST) : les SNLE et les missiles M51

  • La force océanique stratégique est la composante navale des forces nucléaires stratégiques, créée en 1972. Elle est constituée d’une base opérationnelle à l’Île Longue, et d’une escadrille de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engin de nouvelle génération (SNLE-NG) : Le Triomphant, Le Téméraire, Le Vigilant, Le Terrible.
  • Une permanence de la dissuasion est assurée par la patrouille d’une à deux unités simultanément. La montée des tensions à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie a nécessité un renforcement du niveau d’alerte. En mars 2022, exceptionnellement, trois SNLE ont été simultanément en mission.

Les patrouilles sont effectuées sur une durée de deux à trois mois en fonction du ravitaillement. Les communications se font à la réception – le SNLE n’émet jamais – à très basse fréquence pour éviter toute capacité de géolocalisation ennemie.

Les SNLE français sont équipés de missiles M51, d’une portée estimée entre 9 000 et 10 000 km. Ils peuvent contenir jusqu’à dix têtes nucléaires, chacune pouvant adopter une trajectoire différente (mirvage).

La composante nucléaire navale doit encore être modernisée

Des projets importants de développement capacitaire sont en cours : une version améliorée du missile M51 devrait être livrée en 2025, et équiper les SNLE 3ème génération destinés à remplacer la flotte actuelle à partir de 2035.

La force aéronavale nucléaire (FANu)

  • Le porte-avions Charles de Gaulle est le principal outil de la dissuasion aéronavale française. Il peut embarquer les missiles ASMPA et les Rafale. Il constitue lors de ses missions un groupe aéronaval avec des frégates de lutte anti-sous-marine, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) et un bateau de ravitaillement.
  • La force aéronavale nucléaire (FANu) dispose d’un état-major permanent et d’un centre opérationnel activable sur ordre. Le centre d’opérations de la force aéronavale nucléaire est situé à Fort de Six-Fours (Var).

La composante aéronavale permet une approche polyvalente, pouvant être utilisée à la fois pour le déploiement d’un arsenal conventionnel et nucléaire. Elle permet aussi une certaine souplesse, la navigation sur l’espace maritime permettant une liberté d’action et de déplacement. Enfin, cette composante peut participer à l’aspect démonstratif de la dissuasion, et son déploiement être rendu public pour engager un dialogue dissuasif.

Un effort budgétaire à la mesure des enjeux

La dissuasion nucléaire est un poste de dépense important dans le budget consacré aux Armées. Sur les 43 milliards d’euros alloués à la défense dans la loi de finance initiale pour 2023, 5,6 milliards sont dédiés à la poursuite de la modernisation de la dissuasion nucléaire.

Ces efforts budgétaires devraient être renouvelés dans la prochaine loi de programmation militaire pour 2024-2030, suivant les annonces du Président de la République lors de ses vœux aux Armées, prononcés à Mont-de-Marsan le 20 janvier 2023.

Les moyens conséquents alloués à la dissuasion se justifient par le rôle unique de la France tant que seule puissance nucléaire au sein de l’Union européenne et au vu des dangers sécuritaires de plus en plus importants aux frontières du continent. Les moyens alloués à la dissuasion ne sont enfin pas isolés, et bénéficient à l’ensemble des Armées en renforçant leur développement technologique et logistique.

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