Le groupe Horizons & apparentés appelle l’ensemble des groupes parlementaires à voter la présente proposition de loi
Je suis le responsable de texte en commission.
L’article 48 de la Constitution prévoit qu’« un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l’initiative des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’à celle des groupes minoritaires. »
Ces groupes peuvent inscrire les textes qu’ils souhaitent à l’ordre du jour de la séance publique de cette journée.
Le jeudi 14 mars 2024 est une journée réservée à l’ordre du jour fixé par le groupe Horizons et apparentés.
Pourquoi cette loi ?
La proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile du groupe Horizons vise à réduire les impacts de la montée en puissance de la mode dite express ou éphémère, laquelle se caractérise par la mise sur le marché d’un nombre toujours plus important de nouveaux modèles, commercialisés sur un pas de temps très court.
Ce renouvellement quasi‑permanent de collections toujours plus larges s’accompagne d’une politique tarifaire agressive – avec des jeans à 7 € par exemple – et une qualité des produits qui a tendance à se dégrader, ces derniers n’étant pas conçus pour être nécessairement utilisés de nombreuses fois, pour résister aux lavages ou pour être réparés.
Des conséquences fort sur le plan environnemental
Ce bouleversement du marché précipite les achats des consommateurs : en France, en l’espace d’une décennie, le nombre de vêtements proposés annuellement à la vente a progressé d’un milliard, et atteint désormais 3,3 milliards de produits, soit plus de 48 par habitant.
Cette évolution n’est pas sans conséquence sur le plan environnemental : l’industrie du textile et de l’habillement est responsable, à l’échelle mondiale, d’environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre, soit davantage que l’ensemble des vols et transports maritimes internationaux. Sans compter les impacts multiples sur l’environnement en matière de pollution des sols, des eaux ou d’impact sur la biodiversité : le coton est la première culture consommatrice de pesticides, 20 % de la pollution des eaux est imputable à la teinture et au traitement des textiles, le lavage des vêtements synthétiques entraîne le rejet de microfibres plastiques, etc.
Des conséquences fort sur le plan humain et social
Par ailleurs, la production textile à bas prix, souvent lointaine et délocalisée, est problématique sur le plan social, avec de nombreuses mises en causes par la société civile de violation des droits humains, travail forcé, travail des enfants, violences de genre, mise en danger du personnel, contournement des règles salariales lorsqu’elles existent.
Des conséquences fort sur le plan économique
Sur le plan économique enfin, l’industrie européenne ne peut que difficilement faire face à une telle concurrence. On assiste ainsi depuis plusieurs décennies à des délocalisations, et plus récemment à la multiplication des entreprises d’habillement placées en redressement judiciaire. De ce fait, l’industrie du textile et de l’habillement pèse de plus en plus fortement sur le déficit commercial français. Il s’agit de la troisième industrie la plus déficitaire, avec plus de 12 milliards d’euros, soit plus de 20 % du déficit global du pays, hors énergie.
Ce que les groupe des députés Horizons proposent
Face à ces problématiques, nous proposons de renforcer l’information et la sensibilisation du consommateur sur l’impact environnemental de la mode éphémère, ainsi que sur l’importance de la seconde main, des réseaux de collecte et de tri des vêtements et accessoires, pour limiter à la fois la production de nouveaux vêtements et la quantité de déchets en fin de cycle.
Ensuite, nous souhaitons mettre en place une trajectoire progressive de montée en puissance des contributions financières versées par les producteurs selon l’impact environnemental de leurs productions, et du fait qu’ils s’inscrivent ou non dans une démarche commerciale de mode éphémère.
Ces contributions, collectées par l’éco-organisme, financeront les primes versées aux entreprises engagées dans des démarches d’éco‑conception mais aussi le bonus réparation ou les dispositifs de tri, de recyclage et de réemploi des vêtements. Cela permettra de faciliter l’accès à un prix plus abordable aux vêtements de qualité, et de réinstaurer une véritable culture de la seconde main en France.
Enfin, ces efforts ne pourront porter leur fruit sans poursuivre nos efforts de mise en cohérence du secteur de la publicité avec nos engagements nationaux, européens et internationaux en matière de protection de l’environnement. C’est donc en cohérence que nous voulons interdire la publicité pour les entreprises et les produits relevant de la mode éphémère.
Cet ensemble de mesures ambitieuses sont attendues tant par les Françaises et les Français qui veulent que nous tenions nos objectifs climatiques que par le tissu économique textile français et européen, qui ne peut faire face à une concurrence déloyale, qui se fait au mépris des règles sociales et environnementales les plus élémentaires.
Objectifs de la proposition de loi issue de commission
- Définir la mode dite express ou éphémère dans la loi : on parle de pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires ;
- Renforcer l’information et la sensibilisation du consommateur sur l’impact économique, social, sanitaire et environnemental de la mode éphémère. Cette extension du champ hors domaine environnemental a été votée contre l’avis de la rapporteure, et a supprimé les messages visant à sensibiliser sur les possibilités de réemploi et de réparation des vêtements et accessoires ;
- Permettre la modulation des contributions financières de toutes les filières REP selon l’impact environnemental des produits, notamment sur la biodiversité, l’empreinte carbone ou selon la teneur en polyester. Ce dernier ajout concernant le polyester a été voté contre l’avis de la rapporteure ;
- Mettre en place une trajectoire progressive de montée en puissance des contributions financières versées par les producteurs selon la note liée à l’affichage environnemental de leurs produits. L’affichage environnemental textile agrège toutes les considérations liées à la durabilité des produits : consommation d’eau, durabilité physique, conditions de production, utilisation de pesticides et de produits chimiques, rejets de microplastiques (ce qui permet de pénaliser le polyester), valorisation des matières recyclées, valorisation des textiles reconditionnés et impact de la fast et de l’ultra fast fashion, avec sur ce dernier point un effet majeur sur la note finale des produits.
- Ces contributions, collectées par l’éco-organisme, financent :
- la gestion de la collecte, du tri et du traitement des produits usagés ;
- des primes versées aux entreprises engagées dans des démarches d’éco‑conception ;
- la recherche et le développement ;
- le bonus réparation et les moyens dédiés au réemploi ;
- les campagnes grand public sur l’impact environnemental et la prévention des déchets de la filière.
- Interdire la publicité pour les entreprises et les produits relevant de la mode éphémère, afin de poursuivre la mise en cohérence du secteur de la publicité avec nos engagements nationaux, européens et internationaux en matière de protection de l’environnement ;
- Préciser les sanctions applicables en cas de non-respect de l’obligation d’information et d’interdiction de publicité.
Chiffres clés et état actuel du droit
Plus de 100 milliards de vêtements neufs sont vendus dans le monde chaque année. La production a doublé entre 2000 et 2014. En France, en l’espace d’une décennie, le nombre de vêtements proposés annuellement à la vente a progressé d’un milliard, et atteint désormais 3,3 milliards de produits, soit plus de 48 par habitant.
Le marché s’est transformé en raison de l’apparition de marques qui ont commercialisé des vêtements et des chaussures à des prix plus abordables que par le passé, tout en délocalisant la fabrication de ces produits. L’Agence européenne de l’environnement qui a publié en 2019 une étude sur l’industrie textile dans l’Union européenne et l’économie circulaire a estimé que le prix moyen des vêtements avait diminué de 30 % entre 1996 et 2018.
Il est communément admis que cet essor de la fabrication de vêtements et de la consommation a été favorisé au niveau mondial par l’essor de ce qu’il est convenu de dénommer la « fast fashion », ou « mode éphémère », laquelle se caractérise par la mise sur le marché d’un très grand nombre de nouveaux modèles, ainsi que par un renouvellement quasi‑permanent des collections. À la pointe de cette mode express, l’entreprise de prêt‑à‑porter chinoise Shein référence en moyenne plus de 7 200 nouveaux modèles de vêtements par jour, et met à disposition des consommateurs plus de 470 000 produits différents. Shein propose ainsi 900 fois plus de produits qu’une enseigne française traditionnelle.
Ce sous-secteur de la mode se caractérise par des prix très bas et une qualité des produits qui a tendance à se dégrader, ces derniers n’étant pas conçus pour être nécessairement utilisés de nombreuses fois, pour résister aux lavages ou pour être réparés.
Le phénomène de la mode éphémère ne constitue pas en 2024 un phénomène nouveau. Dès les années 1990, de nouveaux acteurs qui étaient déjà présents sur le marché du prêt à porter, comme le groupe espagnol Inditex et sa marque Zara, le groupe suédois H&M ou encore le groupe japonais Uniqlo, connaissent une croissance importante et sont suivis par d’autres marques, comme par exemple Primark ou Topshop qui se sont d’abord implantées en Irlande et au Royaume-Uni. Ces enseignes poursuivent des objectifs similaires, à savoir offrir à un large public des collections de mode qui ne relèvent pas du secteur du luxe à des prix peu élevés par rapport aux prix en vigueur.
Le succès économique de ce modèle – le chiffre d’affaires de Shein a progressé de 900 % en seulement trois ans – n’est pas sans conséquence sur l’adaptation des stratégies de production des autres marques. Notamment, là où la plupart des enseignes renouvelaient leurs collections de manière semestrielle et saisonnière, comme c’était le cas pour encore 63 % des marques de mode européennes en 2015, elles ne sont en 2019 plus que 43 % à maintenir une telle fréquence, les autres augmentant leur nombre de collections.
Cette évolution du secteur de l’habillement vers une mode éphémère, alliant augmentation des volumes et politique de prix bas, influence les habitudes d’achat des consommateurs en créant des pulsions d’achat et un besoin constant de renouvellement, qui n’est pas sans conséquence sur les plans environnementaux, sociaux et économiques.
En effet, l’industrie du textile et de l’habillement est responsable, à l’échelle mondiale, d’environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre, soit davantage que l’ensemble des vols et transports maritimes internationaux. Sans compter les impacts multiples sur l’environnement en matière de pollution des sols et des eaux, et subséquemment en matière d’érosion de la biodiversité marine et terrestre : le coton est la première culture consommatrice de pesticides, 20 % de la pollution des eaux est imputable à la teinture et au traitement des textiles, le lavage des vêtements synthétiques entraîne le rejet de microfibres plastiques, etc.
Par ailleurs, la production textile à bas prix, souvent lointaine et délocalisée, est problématique sur le plan social. En effet, les mises en causes par la société civile de violation des droits humains, travail forcé, travail des enfants, violences de genre, mise en danger du personnel, contournement des règles salariales lorsqu’elles existent, sont nombreuses. Plus largement, les conditions de rémunération des employés du secteur restent précaires, le salaire perçu ne permettant que rarement d’atteindre un niveau de vie décent.
Pour sa part, le secteur de l’habillement français traditionnel ne peut que difficilement faire face à une telle concurrence. On assiste ainsi depuis plusieurs décennies à des délocalisations de la production dans des pays tiers, et plus récemment à la multiplication des entreprises placées en redressement judiciaire.
En conséquence, on constate une division par trois du nombre d’emplois dans l’industrie textile depuis 1990, qui concerne également les emplois en boutique, impactés par la dynamique du e‑commerce et de la mode éphémère.
De ce fait, l’industrie du textile et de l’habillement pèse de plus en plus fortement sur le déficit commercial français. Il s’agit de la troisième industrie la plus déficitaire, avec plus de 12 milliards d’euros, soit plus de 20 % du déficit global du pays, hors énergie.
Face à ce constat, plusieurs mesures ont déjà été prises, au niveau national et européen : la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « climat et résilience » par exemple, doit permettre la mise en place d’un affichage environnemental devant s’appliquer en priorité dans le secteur du textile d’habilement et des chaussures, tandis que la loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « anti‑gaspillage » a introduit un bonus à la réparation des produits pour favoriser l’économie circulaire et locale.
Le nouveau règlement européen sur l’écoconception des produits durables, lui, renforcera les exigences environnementales de production à l’échelle du marché unique.
Toutefois, si les efforts d’écoconception, de durabilité intrinsèque et de réduction de l’empreinte environnementale de chaque produit sont indispensables, ils ne seront pas suffisants, pour tenir nos engagements en matière de lutte contre le changement climatique, en l’absence d’un retour à des volumes de production soutenables.