Comment taxer le kérosène dans l’aviation ?

 

La loi LOM (Mobilités) est entrée en discussion au Parlement ce 3 juin. L’occasion pour le législateur d’abordé la question de la taxation du kérosène sur les vols intérieurs ou internationaux.

 

Origines de la gratuité des taxes du kérosène

L’exonération fiscale au niveau mondial du kérosène a été fixée dans la convention internationale de Chicago sur l’aviation civile internationale, ratifiée par la France en 1944. Pour pouvoir modifier le texte, un vote unanime des 191 Etats membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) est nécessaire.

Constat en France

Les vols intérieurs représentent 20% du trafic en France.

Les lignes de train, avec le TGV, semblent une alternative crédible en temps – Paris-Bruxelles (55 minutes en train), Paris-Marseille (3h05), Paris-Rennes (1h25), Paris-Lyon (2h), Paris-Nantes (2h), Paris-Brest (3h25), Paris-Bordeaux (2h), Paris-Montpellier (3h09) Paris-Bâle-Mulhouse (2h40), Paris (en fait Beauvais)-Béziers (4h), Paris-Agen (3h13), Paris-Clermont-Ferrand (3h17), Paris-Lorient (2h57). Cependant il ne s’agit que de quelques trains en journée, par exemple seuls deux des 16 TGV entre Paris et Marseille proposent une durée du trajet de 3h05 (source site OUISNCF). Il y a donc une réalité d’intérêt de liaison par avion pour certains territoires de la République car les voyages en train région-région sont très longs sur les lignes transversales.

Pollutions et transport aérien

29 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont générées par les transports. 3.5% de ces émissions de gaz à effet de serre sont imputables au transport aérien. Ces chiffres proviennent du Centre Interprofessionnel Technique d’Etudes de la pollution Atmosphérique et datent de 2017.

En revanche, selon l’ADEME, un vol en avion de 500KM aller-retour, chaque passager a une empreinte carbone dans une fourchette de 145 à 241 kg de CO2 (170.6 kg pour le même trajet en voiture). Un avion émet donc jusqu’à 40 fois plus de CO2 que le train (3.2 kg pour 1000 km en TGV et 10.8 en train grande ligne) – source ADEME https://www.ademe.fr/expertises/mobilite-transports/chiffres-cles-observations/chiffres-cles).

Taxes et transport aérien

Le secteur aérien est déjà taxé. À l’échelle européenne, l’Union Européenne taxe le kérosène sur les vols intérieurs avec comme dispositif l’achat de quota d’émission de CO2 – pour Air France cela représente une taxe d’environ 100 millions d’€ par an.

Pour les compagnies aériennes françaises, il y a d’autres taxes : l’avion est le seul mode de transport à devoir financer intégralement le coût de ses infrastructures ainsi que les contrôles de sûreté dans les aéroports, bien que ce soit en théorie des tâches régaliennes (de l’état).

Enfin, l’avion est le seul assujetti à une taxe sur les nuisances sonores et depuis la présidence Chirac à la taxe de solidarité qui doit financer la lutte contre les épidémies dans le tiers-monde.

Le total des taxes et redevances représentent ainsi en France plus de 50% du prix du billet sur les vols intérieurs. Le kérosène représenta quant à lui 1/3 des coûts d’un billet (source Air France-KLM)

Propositions

Si la convention internationale ne régit que les vols internationaux, pour les vols intérieurs, aucune exemption n’est imposée. Quelques pays ont instauré une taxe sur le carburant des avions pour leurs vols domestiques. Comme par exemple les Etats-Unis, qui ne souffrent pas de la concurrence des pays voisins.

Le gouvernement n’est pas contre la taxation du carburant aérien. En revanche il estime que ce sujet doit être abordé au niveau européen. Car c’est au niveau de l’Europe que la solution sera trouvée : on ne peut pas négliger la distorsion de concurrence entre les compagnies françaises et étrangères.

Si la France était le seul pays à appliquer une taxe kérosène, les compagnies étrangères feraient leurs pleins de kérosène non taxé à l’étranger, facilitant du coup l’accès aux aéroports européens (Bruxelles, Londres, Frankfort, Bâle, …) pour un moindre coût, provoquant la baisse de la fréquentation la fréquentation de Roissy (et de nos autres aéroports internationaux) pour les vols internationaux.

Ce combat doit néanmoins être mené au niveau européen et international : le transport aérien est un marché totalement ouvert, et il faut donc travailler à la mise en place d’un dispositif efficace et qui n’aboutisse pas à une distorsion de concurrence. Ainsi, une taxation du kérosène unilatérale au niveau français aurait pour seule conséquence de pousser les compagnies à faire le plein à l’étranger. Ce serait donc toujours autant de vols, avec encore plus de kérosène à bord et donc plus de pollution, mais de l’activité et des emplois qui partiraient à l’étranger.

Cela suppose une discussion avec l’ensemble nos voisins européens afin de parvenir à une taxation harmonisée avec les principaux États membres, alors que les points de départs sont très différents selon les pays : pour un billet d’avion de 100€, les taxes représentent 50 à 60€ en France ou en Allemagne contre seulement 30€ en Suède ou aux Pays-Bas.

Des discussions seront entamées par la nouvelle assemblée européenne sur ce sujet. Pour que ces taxations soient efficaces tant sur le plan fiscal, que celui de la concurrence et enfin que sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre, la France y jouera son rôle fort.

La loi LOM (Mobilités) est entrée en discussion au Parlement ce 3 juin. Le transport aérien contribuera au financement des transports propres. Les députés du groupe La République En Marche ont adopté, en commission, un amendement de la rapporteure Bérangère Abba visant à reverser le surplus du produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion à l’Agence de finance des infrastructures de transports (AFITF) et ainsi permettre une contribution du transport aérien au financement des modes de transports plus durables. C’est un signal fort de volontarisme de la France qui poursuit un objectif de taxation à l’échelle européenne du transport européen.

Ce que je fais en tant que député

J’ai écrit avant mon élection (Mai 2017) dans ma profession de foi  » Je me battrai pour faire de l’écologie le fil rouge de toutes mes décisions, pour nos enfants. »

Je siège à la Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée nationale. J’y travaille fortement sur toutes les mesures environnementales dont les mobilités. Par exemple, j’ai posé lors des Questions au Gouvernement en mai 2019 une question à François de Rugy, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, sur le financement de la Banque Européenne du Climat (https://www.youtube.com/watch?v=LQbcKqyJV-M).

Sur le sujet spécifique de la taxation du transport aérien, il est légitime que ce secteur prenne sa part à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme l’ensemble des activités et modes polluants ; le Gouvernement et la majorité se sont ainsi exprimés depuis plusieurs semaines en faveur d’une taxation environnementale du secteur aérien.

Il est à noter, pour finir, qu’un simple amendement ne serait pas solution. Son impact serait plus négatif que positif. Je fais confiances aux élus fraichement élus de l’Assemblée européenne et leur apporterai tout mon soutien et aides avec la Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée nationale.