Le 8 juillet 2025, nous avons voté à l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Si ce texte a fait parler de lui, il s’agit d’une mesure concrète afin de préserver la souveraineté alimentaire de la France et de soutenir les agriculteurs alors que leur activité est en pleine crise.
Une agriculture à bout de souffle : entre pressions multiples et perte de compétitivité
Le monde agricole traverse une crise profonde, à la fois économique, sociale, climatique, mais également sanitaire. Ces derniers mois, la mobilisation des agriculteurs a rappelé avec force ce que beaucoup d’entre nous constatons sur le terrain depuis longtemps : un sentiment de lassitude, d’incompréhension, et parfois même de résignation chez celles et ceux qui nous nourrissent.
Ce sentiment n’est pas nouveau, mais il s’est intensifié ces dernières années sous le poids des normes, de la volatilité des prix, de la pression concurrentielle, de la complexification des procédures, des aléas climatiques mais aussi de la hausse des prix de l’énergie. Nos agriculteurs veulent produire, innover, transmettre. Trop souvent, ils doivent se justifier, gérer une charge administrative croissante et adapter en permanence leurs pratiques aux nouvelles exigences.
Si notre pays est toujours une puissance agricole de premier plan, sa part de marché à l’export a reculé, passant de 11 % en 1990 à 4,5 % en 2022. Cette perte de compétitivité est masquée, en partie, par un excédent commercial agroalimentaire globalement stable – autour de 10 milliards d’euros – mais qui repose avant tout sur la hausse des prix agroalimentaires.
Une nouvelle loi pour réserver la souveraineté alimentaire de la France
La loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, promulguée le 24 mars dernier, a constitué une première étape. Elle offre des réponses concrètes pour préserver notre souveraineté agricole et alimentaire, sécuriser et simplifier le cadre de l’exercice de l’activité agricole, former une nouvelle génération d’agriculteurs et donner un nouvel élan à notre politique d’installation et de transmission.
Le texte, déposé par nos collègues sénateurs Laurent DUPLOMB et Franck MENONVILLE, vient utilement compléter la loi d’orientation agricole en s’attaquant à des surtranspositions et surréglementations françaises bien identifiées, notamment dans les domaines de la protection des cultures, des projets d’élevage, de la gestion de l’eau et des modalités de contrôle en exploitation.
Un compromis législatif repensé et retravaillé en commission
Le texte qui a été soumis au vote de l’Assemblée nationale n’est pas celui déposé initialement au Sénat. Il a été profondément réécrit, amendé et rééquilibré pour aboutir à un compromis plus responsable.
Parmi les six articles d’origine, quatre – les articles 2, 4, 5 et 6 – ont été entièrement réécrits au Sénat. Deux articles supplémentaires, les articles 7 et 8, ont été introduits à l’initiative du Gouvernement. Ils portent sur l’encadrement de l’usage de macro-organismes pour la lutte autocide et l’adaptation du régime de prévention et de sanction des atteintes à la protection des végétaux.
En commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, les députés ont poursuivi le travail de rééquilibrage du texte, afin d’en assurer la cohérence juridique et la compatibilité avec nos engagements environnementaux.
Ils ont notamment supprimé l’ensemble des dispositions relatives à l’Anses qui prévoyaient l’obligation pour l’agence d’informer ses ministères de tutelle de ses projets de décisions, l’introduction d’une procédure contradictoire en cas de retrait envisagé ainsi qu’une priorisation de l’instruction des demandes d’AMM, en lien avec les besoins prioritaires exprimés par les filières.
La suppression de ses dispositions permet d’assurer l’indépendance indispensable de l’Anses, garantie essentielle à la crédibilité scientifique et à l’objectivité de ses décisions.
Des débats houleux pour des avancées mesurées : conseil, néonicotinoïdes, ICPE…
Si nous regrettons à nouveau que les conditions d’un débat serein et constructif n’aient pas permis l’examen du texte en séance publique, nous nous félicitions que le compromis trouvé en CMP respecte les apports de l’Assemblée nationale et l’esprit de responsabilité qui a prévalu à son examen notamment sur plusieurs points très largement débattus :
- La séparation des activités de vente et de conseil : le texte ne remet pas en cause le principe posé par la loi Egalim 1, mais en aménage la portée. La séparation des activités ne s’appliquera plus aux distributeurs mais demeure maintenue pour les firmes phytosanitaires. Cette évolution, circonscrite, permet de répondre aux attentes des agriculteurs sans renoncer aux garanties en matière d’indépendance du conseil.
- Les néonicotinoïdes : le texte ne prévoit plus l’abrogation de l’interdiction des néonicotinoïdes, mais introduit la possibilité d’une dérogation strictement encadrée pour les substances autorisées au niveau européen. Ces dérogations exceptionnelles, limitées dans le temps, devront être prises par décret en cas de menace grave compromettant la production agricole, en l’absence d’alternative suffisante pour la pérennité de filières aujourd’hui dans l’impasse et conditionnées à l’existence d’un plan de recherche d’alternatives. Elles seront prises sous le contrôle d’un comité de surveillance. À ce jour, seul l’acétamipride est concernée, autorisée au niveau européen jusqu’en 2033.
- Le rôle de l’Anses : les dispositions initiales, qui accordaient au ministre de l’Agriculture le pouvoir de suspendre une décision d’homologation de l’Anses et qui permettaient au directeur général de l’agence de s’en remettre au ministre pour une telle décision, ont été abandonnées. Cette évolution majeure témoigne d’un attachement partagé à l’indépendance scientifique de l’Anses, garante de la crédibilité de notre modèle d’évaluation sanitaire et environnementale.
- Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) : le texte initial proposait le retour à une instruction en trois phases pour les autorisations environnementales et le relèvement des seuils ICPE pour les bâtiments d’élevage. Le compromis trouvé en CMP introduit un allègement plus mesuré des procédures existantes. Dans le cadre des autorisations environnementales, le commissaire enquêteur pourra désormais privilégier des permanences en lieu et place des réunions publiques, et répondre de manière facultative aux observations du public à l’exception de l’avis de l’autorité environnementale. Par ailleurs, l’alignement des seuils français d’autorisation sur ceux prévus par la directive européennes IED – rendu possible par cette proposition de loi – est reporté à 2026, afin de tenir compte du calendrier de révision de la directive européenne.
Une réforme équilibrée : répondre aux défis agricoles sans renier l’écologie
Le travail approfondi conduit au Sénat en lien avec les ministères concernées, poursuivi en commission à l’Assemblée nationale et consolidé en commission mixte paritaire, a permis d’aboutir à un texte équilibré qui répond concrètes aux attentes légitimes du monde agricole sans renier nos engagements environnementaux.
Fidèle à sa ligne de responsabilité entre transition écologique et pragmatisme ancré dans le réel, le groupe Horizons & Indépendants a voté en faveur de ce texte considérant qu’il garantit à la fois le soutien indispensable au monde agricole confronté à des défis immenses et le respect des fondements de notre action collective en matière de transition écologique, de protection de la biodiversité et de responsabilité environnementale.